Nous venons de frapper dans les mains au chant de l'Alléluia... Mais on ne peut pas dire que notre monde éclate de joie. Dans cette nuit de Pâques, viennent à l'esprit toutes les nuits de notre monde et de nos vies, traversés par tant de malheurs et de crises. On sait l'avenir flou, les vies disloquées, les repères effacés, les violences en famille, au travail, dans la vie sociale et même en Église. Ceux à qui les peuples ont confié le souci de porter le bien commun offrent un exemple souvent bien pitoyable. On connaît le sentiment de rater sa vie, de ne pas avoir accompli ce qu'on rêvait d'accomplir. Je me rappelle d'un jeune couple qui ne voulait pas avoir d'enfant : il ne voulait pas faire naître un enfant dans ce monde à l'avenir si incertain et au mal si présent. Pessimisme absolu. Ne resterait à être comme ces femmes qui, de bon matin, vont fleurir la tombe de leur ami... en fleurissant la tombe du monde et de l'humanité. Plus rien n'est à espérer, le doute gagne : à quoi bon.
Mais l'événement qui nous rassemble cette nuit transforme l'histoire. Un homme mort est vu vivant. Une lumière éclaire la nuit... l'éclat du feu fait reculer les ténèbres, et sa chaleur chasse le froid. Ce qui apparaissait comme la fin de tout n'est plus la fin de tout. Étonnante nouvelle qu'il nous faut réentendre plusieurs fois pour la prendre au sérieux. Ne faisons pas comme si cela allait de soi. Un ami, catholique engagé, dont le papa est décédé il y a 15 jours me disait cet après-midi combien il avait été difficile de revivre ces événements en méditant ces derniers jours la passion de Jésus. Je l'ai invité à aller jusqu'au bout, jusqu'à la résurrection ! Il me dit alors : « mais ce n'est pas si facile... ce n'est pas évident. »
L'annonce de la résurrection de Jésus n'est pas une info dont on pourrait faire un scoop. Elle est comme un printemps pour le monde et pour l'homme. Nous l'avons entendu, depuis la nuit des temps, Dieu avait montré sa volonté de vie, de liberté, d'amour, d'alliance avec l'homme. Mais jamais aussi fortement et avec autant de puissance que cette nuit. Il y va de la transformation radicale de l'Histoire et de notre histoire, d'un changement d'horizon.
Transformation de notre histoire personnelle, d'abord. Nous nous connaissons : nous sommes imparfaits, pêcheurs, médiocres, mécontent de ce que nous vivons. Nous passons souvent du temps à nous lamenter sur nous-mêmes. Mais la nouvelle de cette nuit renouvelle toute chose : « vous êtes morts au péché », clame Saint Paul ! « Et vivants pour Dieu en Jésus-Christ ! » Autrement dit, nous sommes vraiment morts au péché ! Le crois-tu ? Et ressuscités avec Lui ! Le crois-tu ? Toute notre vie a déjà été ressaisie dans la sienne, tout est ouvert, jusqu'à nos tombeaux ! Nous n'avons plus à mourir, à avoir peur, à douter, à nous lamenter... Christ nous a ressuscités! « Par le baptême dans sa mort, nous avons été mis au tombeau avec lui, pour que nous menions une vie nouvelle. » Une vie nouvelle que nous menons dès aujourd'hui ! Christ et sa puissance de Vie, d'Amour et de Pardon est le grand vainqueur de notre histoire ! Nous n'avons plus rien à craindre!
Et ce qui est vrai pour notre propre histoire l'est pour l'histoire de l'humanité : l'horizon est reculé. L'histoire n'est plus aux dimensions de notre vie humaine : l'horizon est plus loin, en Christ, là où tout est déjà ressaisi, réunifié, réconcilié, dans la Lumière de Dieu. Ne marchons plus en regardant nos pieds, ne vivons plus en ne pensant qu'à aujourd'hui ou à demain : par le Christ et sa résurrection, notre regard voit loin, bien au-delà des événements du jour. Le « court-terme » n'a plus d'avenir. Et si demain matin, probablement, des gens continueront à se tuer et le mal à faire des ravages, nous savons, nous, que déjà, tout est joué. Que le Christ est le grand vainqueur. Qu'il est le but de l'histoire des hommes, que ce but est déjà atteint et que rien ne pourra l'en empêcher.
Cette nouvelle, que Dieu avait cherché à dire depuis toujours et qui devient saisissante cette nuit, notre monde en a besoin. Dieu, qui nous connaît mieux que nous mêmes, le sait. Avez vous remarqué la précipitation, l'accélération dans l'évangile ? « Venez voir, puis vite, allez dire », demande l'ange aux femmes. « Il vous précède », autrement dit, vous êtes déjà en retard ! Les femmes s'en vont « en courant ». « Allez annoncer ! » leur dit Jésus sur le chemin... Le temps presse. C'est le début d'une nouvelle ère, d'une nouvelle création. La pierre est roulée. Ne restez pas là, à pleurer devant un tombeau désormais vide ! Vous pleurez un mort, mais la mort a perdu, elle a été anéantie ! Courrez ! Dans vos rues, vos bâtiments, vos quartiers, vos lotissements, vos cités, vos bureaux, vos maisons ! Apportez la joie de cette Bonne Nouvelle ! Peut-être ne vous croira-t-on pas. Peut-être trouverez-vous des gens incrédules. Peut-être serez-vous pris pour des fous. Mais comment ne pas dire, par nos paroles et avant tout par notre vie et nos actions, nos engagements et notre présence, que le monde que nous connaissons est déjà transformé ? Que l'horizon a changé et que cet horizon, c'est la paix de Dieu ?
« Reviens à la vie », disions-nous tout au long de ce carême. A cet appel de Jésus, notre réponse éclate : « Alléluia ! Christ est vivant ! » Et c'est Lui qui, par sa résurrection, révèle que notre monde va vers la Vie, vers Lui !
L'horizon est un matin de printemps qui a vaincu l'hiver. Un premier jour de semaine. Une lumière naissante plus forte que la nuit. Une paix définitivement acquise sur toutes les formes de haine. Un pardon infini. Une caresse divine. Un amour insondable. Une communion universelle.
Et cet horizon est déjà là. En toi, en moi, en nous, en Christ ressuscité, en notre monde abîmé. Il est déjà là et il a vaincu toutes les autres forces.
Grande paix sur la terre, Joie en nos existences revenues à la Vie : Christ est ressuscité ! Alléluia !
P. Benoît Lecomte
Livre de l'Exode 14,15-31.15,1a.
Les fils d’Israël, voyant les Égyptiens lancés à leur poursuite, étaient effrayés. Le Seigneur dit à Moïse : « Pourquoi crier vers moi ? Ordonne aux fils d’Israël de se mettre en route!
Toi, lève ton bâton, étends le bras contre la mer, fends-la en deux, et que les fils d'Israël pénètrent dans la mer à pied sec.
Et moi, je vais endurcir le cœur des Égyptiens : ils pénétreront derrière eux dans la mer ; je triompherai, pour ma gloire, de Pharaon et de toute son armée, de ses chars et de ses guerriers.
Les Égyptiens sauront que je suis le Seigneur, quand j'aurai triomphé, pour ma gloire, de Pharaon, de ses chars et de ses guerriers. »
L'ange de Dieu, qui marchait en avant d'Israël, changea de place et se porta à l'arrière. La colonne de nuée quitta l'avant-garde et vint se placer à l'arrière,
entre le camp des Égyptiens et le camp d'Israël. Cette nuée était à la fois ténèbres et lumière dans la nuit, si bien que, de toute la nuit, ils ne purent se rencontrer.
Moïse étendit le bras contre la mer. Le Seigneur chassa la mer toute la nuit par un fort vent d'est, et il mit la mer à sec. Les eaux se fendirent,
et les fils d'Israël pénétrèrent dans la mer à pied sec, les eaux formant une muraille à leur droite et à leur gauche.
Les Égyptiens les poursuivirent et pénétrèrent derrière eux - avec tous les chevaux de Pharaon, ses chars et ses guerriers - jusqu'au milieu de la mer.
Aux dernières heures de la nuit, le Seigneur observa, depuis la colonne de feu et de nuée, l'armée des Égyptiens, et il la mit en déroute.
Il faussa les roues de leurs chars, et ils eurent beaucoup de peine à les conduire. Les Égyptiens s'écrièrent : « Fuyons devant Israël, car c'est le Seigneur qui combat pour eux contre nous ! »
Le Seigneur dit à Moïse : « Étends le bras contre la mer : que les eaux reviennent sur les Égyptiens, leurs chars et leurs guerriers ! »
Moïse étendit le bras contre la mer. Au point du jour, la mer reprit sa place ; dans leur fuite, les Égyptiens s'y heurtèrent, et le Seigneur les précipita au milieu de la mer.
Les eaux refluèrent et recouvrirent toute l'armée de Pharaon, ses chars et ses guerriers, qui avaient pénétré dans la mer à la poursuite d'Israël. Il n'en resta pas un seul.
Mais les fils d'Israël avaient marché à pied sec au milieu de la mer, les eaux formant une muraille à leur droite et à leur gauche.
Ce jour-là, le Seigneur sauva Israël de la main de l'Égypte, et Israël vit sur le bord de la mer les cadavres des Égyptiens.
Israël vit avec quelle main puissante le Seigneur avait agi contre l'Égypte. Le peuple craignit le Seigneur, il mit sa foi dans le Seigneur et dans son serviteur Moïse.
Alors Moïse et les fils d’Israël chantèrent ce cantique au Seigneur.
Livre de l'Exode 15,2-3.4-5.6.10a.11.17.
Ma force et mon chant, c'est le Seigneur :
il est pour moi le salut.
Il est mon Dieu, je le célèbre ;
j'exalte le Dieu de mon père.
Le Seigneur est le guerrier des combats :
son nom est « Le Seigneur ».
Les chars du Pharaon et ses armées
il les lance dans la mer.
L'élite de leurs chefs
a sombré dans la mer Rouge.
L'abîme les recouvre :
ils descendent, comme la pierre, au fond des eaux.
Ta droite, Seigneur, magnifique en sa force,
ta droite, Seigneur, écrase l'ennemi.
Tu souffles ton haleine : la mer les recouvre,
Qui est comme toi, Seigneur, parmi les dieux ?
Qui est comme toi, magnifique en sainteté,
terrible en ses exploits, auteur de prodiges ?
Tu les amènes, tu les plantes
sur la montagne, ton héritage,
le lieu que tu as fait,
Seigneur, pour l'habiter,
le sanctuaire, Seigneur,
fondé par tes mains.
Lettre de saint Paul Apôtre aux Romains 6,3-11.
Frères, nous tous qui avons été baptisés en Jésus Christ, c'est dans sa mort que nous avons été baptisés.
Si, par le baptême dans sa mort, nous avons été mis au tombeau avec lui, c'est pour que nous menions une vie nouvelle, nous aussi, de même que le Christ, par la toute-puissance du Père, est ressuscité d'entre les morts.
Car, si nous sommes déjà en communion avec lui par une mort qui ressemble à la sienne, nous le serons encore par une résurrection qui ressemblera à la sienne.
Nous le savons : l'homme ancien qui est en nous a été fixé à la croix avec lui pour que cet être de péché soit réduit à l'impuissance, et qu'ainsi nous ne soyons plus esclaves du péché.
Car celui qui est mort est affranchi du péché.
Et si nous sommes passés par la mort avec le Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec lui.
Nous le savons en effet : ressuscité d'entre les morts, le Christ ne meurt plus ; sur lui la mort n'a plus aucun pouvoir.
Car lui qui est mort, c'est au péché qu'il est mort une fois pour toutes ; lui qui est vivant, c'est pour Dieu qu'il est vivant.
De même vous aussi : pensez que vous êtes morts au péché, et vivants pour Dieu en Jésus Christ.
Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 28,1-10.
Après le sabbat, à l'heure où commençait le premier jour de la semaine, Marie Madeleine et l'autre Marie vinrent faire leur visite au tombeau de Jésus.
Et voilà qu'il y eut un grand tremblement de terre ; l'ange du Seigneur descendit du ciel, vint rouler la pierre et s'assit dessus.
Il avait l'aspect de l'éclair et son vêtement était blanc comme la neige.
Les gardes, dans la crainte qu'ils éprouvèrent, furent bouleversés, et devinrent comme morts.
Or l'ange, s'adressant aux femmes, leur dit : « Vous, soyez sans crainte ! Je sais que vous cherchez Jésus le Crucifié.
Il n'est pas ici, car il est ressuscité, comme il l'avait dit. Venez voir l'endroit où il reposait.
Puis, vite, allez dire à ses disciples : 'Il est ressuscité d'entre les morts ; il vous précède en Galilée : là, vous le verrez ! ' Voilà ce que j'avais à vous dire. »
Vite, elles quittèrent le tombeau, tremblantes et toutes joyeuses, et elles coururent porter la nouvelle aux disciples.
Et voici que Jésus vint à leur rencontre et leur dit : « Je vous salue. » Elles s'approchèrent et, lui saisissant les pieds, elles se prosternèrent devant lui.
Alors Jésus leur dit : « Soyez sans crainte, allez annoncer à mes frères qu'ils doivent se rendre en Galilée : c'est là qu'ils me verront. »