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21 mars 2010 7 21 /03 /mars /2010 09:57

alliance_brisee.jpgVoyez ce qu’on a fait de l’Alliance que Dieu nous proposait !

Dimanche dernier, dans la parabole du Fils Prodigue, le Père nous accueillait et nous passait la bague au doigt, en signe d’Alliance retrouvée, en signe de pardon, en signe de joie.

Dieu avait fait Alliance avec l’homme pour que l’homme vive, et qu’il soit heureux et libre. Mais voilà : de cette Alliance libératrice, les hommes ont fait un système religieux, avec ses lois, ses codes et ses règles strictes. Dieu proposait à l’homme la liberté, comme il avait libéré son peuple de l’esclavage d’Egypte, et le peuple et ses chefs n’avaient rien trouvé de mieux à faire que de se recréer une loi asservissante. Et au lieu d’amour et de liberté, de joie et de paix, c’est la méfiance, l’accusation et la condamnation qui se sont mis à régner entre les personnes.

Comme notre cercle d’or : la semaine dernière, il désignait l’alliance voulue par Dieu. Aujourd’hui, le voilà à terre, comme les scribes qui encerclent et enferment la femme qu’ils amènent à Jésus.

Il accusent cette femme. Plus encore, il se servent d’elle pour pouvoir accuser Jésus. Il n’y a plus que logique de condamnation, de sanction, de punition. Les yeux sont devenus aveugles, les cœurs froids, les consciences dures. On ne pense plus qu’en permis / défendu, en pur / impur, en juste / condamné.

Alors la parole de Jésus est décisive. En une phrase, il met tout le monde à égalité et casse la logique d’accusation et de condamnation : « Celui d’entre vous qui n’a jamais péché, qu’il soit le premier à lui jeter la pierre ». Entendons cette phrase pour nous aussi ! Cette femme est jugée parce qu’elle a fait un péché lié à sa sexualité.  Et ce type de péché est toujours montré du doigt. Mais ne cache-t-on pas derrière ce doigt bien d’autres formes de manque d’amour ? Je me permets de citer ce qu’un prêtre ami écrit à propos du texte d’aujourd’hui :

« Le péché lié au domaine de la sexualité s’est hypertrophié symboliquement au point d’envahir tout le champ et combien, à l’occasion d’une confession, ne distinguent plus leur péché que là ! Combien ne s’accuseront que de leurs difficultés dans leur gestion de cette dimension et occulteront ainsi, à dessein ou non, la prégnance du péché dans tous les autres domaines ! Combien considéreront comme plus grave d’avoir laissé leur regard s’attarder sur un corps dénudé qu’avoir fraudé le fisc ou n’être pas allé voter ! Combien seront obsédés par un geste immaîtrisé et ne distingueront pas le péché dans ces gestes quotidiens de gaspillage qui, loin du développement durable, mettent en péril notre environnement et l’avenir des générations futures ! Combien d’autres, au final, se croiront justes parce qu’ils sont exempts du péché en ce domaine !

Jésus vient mettre fin à cette dangereuse illusion en replaçant tout le monde dans le même camp. Il n’y a pas de péchés plus graves que d’autres mais il y a LE péché, toujours le même péché, multiforme, se présentant dans nos vies sous tel ou tel masque. Comprendre le péché comme unique nous replace dans une solidarité avec tous nos frères humains. Nous sommes tous, sans exception, victimes et complices du péché.

C’est ainsi qu’aucun de nous n’est habilité pour juger et condamner autrui. C’est ainsi que le seul juge n’est autre que Dieu lui-même, un juge qui ne condamne pas, qui ne ferme pas l’avenir du pécheur, qui ne le réduit pas à son péché mais lui ouvre une porte ».  

Jésus casse la logique de supériorité des uns sur les autres et ouvre l’avenir de la femme : « Va ! » Cet avenir que le père de la parabole avait offert à son fils cadet, le voilà redonné par Jésus, à nouveau. Cet avenir et cette vie que nous avions enfermés et bridés, les voilà ré-ouverts par le Christ. Par son pardon et sa résurrection, par sa présence et sa parole, le Christ vient briser tous nos enfermements, tous nos jugements, toutes nos catégories… comme autant de tombeaux intérieurs désormais ouverts. Préparons-nous nous-mêmes à accueillir cette résurrection en nous ? dès aujourd’hui ?

La parabole du père miséricordieux nous disait cette relation d’amour infini entre Dieu et l’homme. Le Christ, ce matin, nous appelle à vivre ce projet de Dieu dans nos relations humaines. Il nous rappelle que tous nos systèmes, qu’ils soient politiques, économiques, sociaux, financiers, religieux, tous doivent placer l’homme en leur centre, car c’est sur l’homme que nous avons à porter en priorité le même regard que celui que Dieu porte sur nous.

En ce 5ème dimanche de carême, c’est ce que le CCFD veut nous rappeler, en nous invitant à réfléchir à la façon dont nous partageons nos richesses, et aux systèmes économiques et financiers que nous mettons en place, tant à l’échelle locale qu’au niveau global. En ce jour d’élections, nous devons aussi nous redire que le vote est d’abord un moyen de participer à un mode de fraternité humaine, et de faire des choix qui ont des conséquences sur notre vie commune, et d’abord sur les plus fragiles. Il en va de notre ouverture sur l’autre, sur son histoire, sur ses conditions de vie, et sur notre solidarité avec lui.

« Ne pèche plus !», lance encore Jésus à la femme, comme pour la rappeler à sa responsabilité de femme désormais libre, et à la façon dont elle va, maintenant, recevoir et vivre l’amour reçu.

Comme les scribes et les pharisiens, il nous faut passer, comme dit saint Paul, de l’obéissance à la loi, à la foi et à la confiance au Christ. Lui seul peut ouvrir nos tombeaux. Lui seul est La Résurrection et la Vie. Lui seul nous ouvre les yeux au point de voir ce qu’Isaïe discernait déjà : « Je fais un monde nouveau, dit Dieu. Il germe déjà. Ne le voyez-vous pas ? »

P. Benoît Lecomte
Evangile de Jésus-Christ selon saint Jean 8,1-11.
Jésus s'était rendu au mont des Oliviers ;
de bon matin, il retourna au Temple. Comme tout le peuple venait à lui, il s'assit et se mit à enseigner.
Les scribes et les pharisiens lui amènent une femme qu'on avait surprise en train de commettre l'adultère. Ils la font avancer,
et disent à Jésus : « Maître, cette femme a été prise en flagrant délit d'adultère.
Or, dans la Loi, Moïse nous a ordonné de lapider ces femmes-là. Et toi, qu'en dis-tu ? »
Ils parlaient ainsi pour le mettre à l'épreuve, afin de pouvoir l'accuser. Mais Jésus s'était baissé et, du doigt, il traçait des traits sur le sol.
Comme on persistait à l'interroger, il se redressa et leur dit : « Celui d'entre vous qui est sans péché, qu'il soit le premier à lui jeter la pierre. »
Et il se baissa de nouveau pour tracer des traits sur le sol.
Quant à eux, sur cette réponse, ils s'en allaient l'un après l'autre, en commençant par les plus âgés. Jésus resta seul avec la femme en face de lui.
Il se redressa et lui demanda : « Femme, où sont-il donc ? Alors, personne ne t'a condamnée ? »
Elle répondit : « Personne, Seigneur. » Et Jésus lui dit : « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus. »


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14 mars 2010 7 14 /03 /mars /2010 13:00

noeudcordeVoilà une des plus belles pages d’évangile sur un des thèmes les plus difficiles : le pardon.

Hier, lors d’une rencontre de préparation au baptême avec des parents, la question est venue dans la discussion : croyons-nous au pardon des péchés ? Pour certains, il était possible de croire au pardon. Pour d’autres, il était impossible de pardonner. Et le débat a eu lieu : qu’est-ce qui est pardonnable, et qu’est-ce qui ne l’est pas… Qu’est-ce que les hommes peuvent pardonner, et qu’est-ce que Dieu seul peut pardonner… Et plus directement encore : qu’est-ce que pardonner ?

 

On a réfléchit au caté sur cette question, il y a quinze jours. On a fait cette expérience des liens qui nous reliaient les uns aux autres, comme autant de ficelles entre nous, et entre nous et Dieu. Et il nous arrive d’abîmer, voire de casser ces ficelles. Alors le pardon et la réconciliation nous disent un nouveau nœud dans ces liens, qui s’en trouvent du coup raccourci, comme pour repartir sur de nouvelles bases, dans un nouvel élan. Bien sûr, il y a toujours des cicatrices, le nœud sur la ficelle est toujours visible, et on n’oublie pas comme ça, d’un coup de baguette magique (et heureusement d’ailleurs : cela nous enlèverait toute responsabilité de nos actes !). On garde la trace des chutes, mais la relation est rétablie : l’amour peut à nouveau circuler… Le pardon concerne l’histoire de nos relations que l’on voudrait toujours plus solides et vraies, toujours plus aimantes.

            Les adultes se sont posés beaucoup de questions ce matin en regardant ce texte. Et notamment celle de la différence entre l’aîné et le cadet. Finalement, le plus petit a plus conscience de l’amour de son Père que le grand ! Le grand ne vit pas. Il ne parle même pas à son père. Il n’est ni mort, ni vivant. Du coup, vient la question : « faut-il préférer pécher, pour être aimé de Dieu ? » question difficile ! Mais peut-être pas autant que celle du pardon lui-même.

Le pardon est peut-être la chose la plus difficile ou parfois la plus incompréhensible à vivre, à donner ou à recevoir. Pourtant, ça peut aussi être la plus nécessaire pour vivre. Je me souviens d’un jeune homme qui avait tué un copain en voiture. Le plus dur, pour lui, c’était que les parents de son copain l’avaient pardonné. Et il refusait catégoriquement ce pardon. Il n’acceptait pas de pouvoir vivre encore. Il refusait de pouvoir encore être aimé par les parents de son copain.

Sans pardon, donné et reçu, il n’y a plus d’avenir possible. Le fils de la parabole n’avait plus d’avenir, il était mort : seul l’amour infini de son père peut le relever et lui offrir une nouvelle chance. Sans cette chance, le fils meurt. Le pardon ouvre l’avenir.

Sans pardon, il n’y a plus non plus d’humanité, de solidarité humaine, de fraternité… ou bien il y a un rétrécissement progressif du petit cercle qui nous entoure : on est copain que de ceux avec qui on s’entend bien, jusqu’à ce qu’on se fâche, et après, c’est fini ! Sans pardon, on risque toujours d’étouffer sur soi-même. Le pardon est vital : il est l’oxygène nécessaire pour aimer.

 

Sur notre chemin de carême, Dieu nous place des balises pour nous préparer à Pâques. Après nous avoir parlé dimanche dernier de Dieu comme de quelqu’un qui prend patience et qui appelle l’homme à se convertir, l’Ecriture de ce matin nous révèle un Dieu qui prend les devants de l’homme dans sa conversion : c’est Dieu, le premier, qui agit. Pour que nous ne soyons pas prisonniers de nous-mêmes et de nos limites, il pardonne, comme ce père de la parabole, pour peu que le fils revienne. Notre Dieu veut, sans cesse et sans jamais désespérer de l’homme, renouer l’Alliance que nous rompons si facilement. Mais si nous revenons, le Seigneur n’hésite pas un instant : « Mettez-lui une bague au doigt », lance le père de la parabole. La bague, l’alliance, est retrouvée. L’histoire sainte, chacune de notre histoire sainte, de notre histoire d’amour avec Dieu, peut à nouveau se déployer.

Ce carême nous mène progressivement vers Pâques. Mais déjà, le mystère de Dieu nous est livré dans cette page. Déjà, le mystère de Pâques est dessiné : le pardon et la résurrection sont une seule et même réalité, c’est la même expérience de relèvement après la chute, d’amour après la haine, de vie après une mort, de parole après le silence. Pardonner, c’est ressusciter. Etre pardonné, c’est être ressuscité.

 

Alors la lettre de Paul s’entend de façon encore plus forte. Non seulement il nous est dit que le Christ nous a déjà réconcilié avec Dieu. Mais encore, on nous demande de devenir témoins de cet amour : devenir des « ambassadeurs du Christ » et de sa puissance de miséricorde. Les adultes se sont demandé s’il valait mieux être le fils cadet ou le fils aîné. Mais Paul répond à la question : il nous faut devenir… le père ! Devenir des ambassadeurs du pardon que Dieu nous a déjà offert en Jésus-Christ. Devenir des artisans de réconciliation dans une humanité trop souvent déchirée. Devenir à l’image de ce père de la parabole qui aime son fils inconditionnellement. Etre baptisé nous engage à aimer le monde et les hommes en ne perdant jamais le regard d’espérance que Dieu, le premier, porte sur l’humanité. Etre baptisé, c’est vivre déjà, en ce monde, de la résurrection et du pardon de Dieu, et dire que cette résurrection et que ce pardon non seulement sont possibles, mais sont vitaux. Et qu’en Dieu, une vie nouvelle est déjà là.

 

Marie et Christian, qui avez fait votre première étape vers le baptême, nous vous souhaitons de découvrir l’appel du Christ à ressusciter avec lui. Astrid, tu seras baptisée dans quelques semaines, dans la nuit de Pâques : tu feras alors l’expérience de ce fils cadet de l’évangile, et du pardon de Dieu qui fait renaître et vivre. Et nous tous, soyons attentifs à ce travail de Dieu en nous, qu’il ne cesse de vouloir renouveler et vivifier, par son Esprit, par sa Parole, par les sacrements, et par l’expérience de Pâques, à laquelle il nous prépare, discrètement mais réellement.

Amen.

P. Benoît Lecomte


Evangile de Jésus-Christ selon saint Luc 15,1-3.11-32.
Les publicains et les pécheurs venaient tous à Jésus pour l'écouter.
Les pharisiens et les scribes récriminaient contre lui : « Cet homme fait bon accueil aux pécheurs, et il mange avec eux ! »
Alors Jésus leur dit cette parabole :
Jésus dit encore : « Un homme avait deux fils.
Le plus jeune dit à son père : 'Père, donne-moi la part d'héritage qui me revient. ' Et le père fit le partage de ses biens.
Peu de jours après, le plus jeune rassembla tout ce qu'il avait, et partit pour un pays lointain où il gaspilla sa fortune en menant une vie de désordre.
Quand il eut tout dépensé, une grande famine survint dans cette région, et il commença à se trouver dans la misère.
Il alla s'embaucher chez un homme du pays qui l'envoya dans ses champs garder les porcs.
Il aurait bien voulu se remplir le ventre avec les gousses que mangeaient les porcs, mais personne ne lui donnait rien.
Alors il réfléchit : 'Tant d'ouvriers chez mon père ont du pain en abondance, et moi, ici, je meurs de faim !
Je vais retourner chez mon père, et je lui dirai : Père, j'ai péché contre le ciel et contre toi.
Je ne mérite plus d'être appelé ton fils. Prends-moi comme l'un de tes ouvriers. '
Il partit donc pour aller chez son père. Comme il était encore loin, son père l'aperçut et fut saisi de pitié ; il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers.
Le fils lui dit : 'Père, j'ai péché contre le ciel et contre toi. Je ne mérite plus d'être appelé ton fils... '
Mais le père dit à ses domestiques : 'Vite, apportez le plus beau vêtement pour l'habiller. Mettez-lui une bague au doigt et des sandales aux pieds.
Allez chercher le veau gras, tuez-le ; mangeons et festoyons.
Car mon fils que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé. ' Et ils commencèrent la fête.
Le fils aîné était aux champs. A son retour, quand il fut près de la maison, il entendit la musique et les danses.
Appelant un des domestiques, il demanda ce qui se passait.
Celui-ci répondit : 'C'est ton frère qui est de retour. Et ton père a tué le veau gras, parce qu'il a vu revenir son fils en bonne santé. '
Alors le fils aîné se mit en colère, et il refusait d'entrer. Son père, qui était sorti, le suppliait.
Mais il répliqua : 'Il y a tant d'années que je suis à ton service sans avoir jamais désobéi à tes ordres, et jamais tu ne m'as donné un chevreau pour festoyer avec mes amis.
Mais, quand ton fils que voilà est arrivé après avoir dépensé ton bien avec des filles, tu as fait tuer pour lui le veau gras ! '
Le père répondit : 'Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi.
Il fallait bien festoyer et se réjouir ; car ton frère que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé ! »


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7 mars 2010 7 07 /03 /mars /2010 13:49

               Déjà s’ouvre la troisième semaine de notre chemin vers Pâques. Rappelons-nous le chemin déjà parcouru pour voir où la Parole de Dieu nous mène.

               Rappelez-vous ce premier dimanche, avec le récit des tentations de Jésus. Jésus, vrai homme, doit lutter pour gagner en humanité, pour ne pas se laisser séduire et se tromper. On ne naît pas homme, on le devient. C’est même le but de notre vie que de le devenir. Et Jésus nous invitait à la quête de ce but.

Puis dimanche dernier : la Transfiguration. Ce même Jésus prend le visage de Dieu. Le cœur de l’humanité a en fait les traits divins. On ne devient vraiment homme qu’en Dieu. Dieu nous dévoile la véritable humanité. Ça aussi, c’est Jésus qui vient nous le révéler.

Mais ce matin, les textes ne mettent plus Jésus au cœur du récit, comme les dimanches précédents. Il me semble que ce n’est plus l’humanité ou la divinité qui est au centre de la Parole de Dieu, mais la relation que nous avons avec celui que nous appelons Dieu.

Après avoir parlé d’humanité et de divinité, les textes de ce jour nous invitent à ne pas nous tromper de Dieu, et à vivre le chemin que nous avons à faire pour aller vers lui.

 

Nous tromper de Dieu, c’est ce qui se passe dans l’évangile. Car on est en droit de se demander quelle est l’image que les gens ont de Dieu lorsqu’ils pensent que Dieu est un Dieu punisseur et vengeur, qui élimine le pécheur. Un tel Dieu, c’est un Dieu avec lequel il faut marchander pour garder la vie sauve. C’est un Dieu qui génère la peur et l’angoisse, car on ne peut savoir quel coup il nous réserve. Alors on se méfie, on lui offre des sacrifices pour s’attirer ses grâces et tenter de vivre le plus longtemps possible.

 

Mais ce Dieu n’est pas le Dieu de Jésus. Il n’est pas non plus le Dieu qui se révèle à Moïse, dans l’expérience du buisson ardent. Ce passage de l’Exode est si riche !

Le Dieu qui se révèle à Moïse est un Dieu qui parle, et qui parle à quelqu’un, personnellement. Il n’est pas un Dieu lointain, mais il se fait déjà le tout-proche, venant à la rencontre de l’homme.

Et ce Dieu a pitié de son peuple : « J’ai vue, oui, j’ai vu la misère de mon peuple, et j’ai entendu ses cris […] Je connais ses souffrances ». Plus encore, il est un Dieu qui ne cherche pas la peur de l’homme à son égard ni une relation basée sur la négociation. Au contraire, Dieu veut délivrer son peuple de l’esclavage et le mener vers une terre promise, « une terre spacieuse et fertile », la terre où il est possible de vivre libre.

Tout l’inverse de l’idée qui circule dans la tête des gens dans l’évangile. Dieu veut avant tout pour l’homme la liberté et la vie.

Là encore, le programme de l’humanité se trouve déjà dans le Nom de Dieu : « JE SUIS ». Il est l’existence. Il est la puissance d’être. Il est la vie. Il est la Parole et l’Esprit de vie. Dans ce « JE SUIS », on sent poindre l’infinie liberté de Dieu et son infinie puissance de vie.

Par Moïse, Dieu propose à l’homme de prendre le chemin de la liberté et de la vie.

Jésus, dans l’évangile, nous invite à nous engager résolument sur ce chemin. Tous. Car vous avez remarqué qu’il ne dit pas que tous ceux qui ont péri à cause de la faute de Pilate ou à cause de la malchance étaient innocents. Il dit au contraire que tous, nous avons à vivre une conversion.

 

Une proposition, une invitation qu’il nous faut entendre aujourd’hui pour nous aussi. Veux-tu prendre le chemin de liberté et de vie que Dieu te propose ? Es-tu prêt à lâcher tes esclavages ? Es-tu prêt à lâcher tes récriminations contre Dieu, qui risquent toujours de te couper de la source et du but, et à cause desquelles tu risques de te prendre toi-même pour Dieu ? Es-tu prêt à lâcher tes fausses images de Dieu, par lesquelles tu risques de te tromper de but, de te rendre esclaves d’idoles en croyant adorer le vrai Dieu, et d’en oublier la dimension fraternelle que ne cesse de nous rappeler un Dieu Père ?

Le Dieu que nous révèlent ces pages de la Bible, c’est un Dieu libérateur et un Dieu patient. Un Dieu qui vient libérer non seulement son peuple, mais, plus largement, tout homme qui cherche à se dégager de ce qui entrave sa route vers le Christ. Et un Dieu qui prend le temps de l’homme. Un temps de pédagogie et d’accompagnement. Un Dieu qui offre à l’homme l’espace et la possibilité d’une histoire. Non seulement d’une dynamique de carême, mais d’une dynamique de toute une vie : une dynamique de conversion. Car nous devons bien avouer qu’il ne nous est pas toujours facile de quitter nos esclavages pour partir à l’aventure de notre liberté.

 

Cette troisième semaine de carême s’ouvre donc sur un appel : devient libre et vivant, comme Dieu lui-même l’est. Fait l’expérience de cette libération. Celle de la Pâques en toi. Celle de la résurrection. Celle de la résurrection qui peut commencer dans l’expérience du pardon. Ce pardon que nous avons pu vivre lors de la veillée de prière avec les frères de Taizé vendredi soir, et que nous pourrons vivre samedi, lors de la célébration pénitentielle de doyenné.

« Convertis-toi », nous avait dit Dieu lors de l’imposition des cendres, en entrant dans ce carême. Dieu est pardon et libération. Comme au figuier de l’évangile, il te laisse le temps de répondre et de venir à lui, dans ton intérêt : pour ne pas que tu périsses, et que tu vives.

Que le temps de cette semaine nous permette de continuer à dilater nos cœurs, à vivre ce chemin d’humanisation en Dieu, et nous apprenne toujours plus à accueillir la résurrection de Dieu en nos vies.

Amen.

 

P. Benoît Lecomte



Livre de l'Exode 3,1-8.13-15.
Moïse gardait le troupeau de son beau-père Jéthro, prêtre de Madiane. Il mena le troupeau au-delà du désert et parvint à l'Horeb, la montagne de Dieu.
L'ange du Seigneur lui apparut au milieu d'un feu qui sortait d'un buisson. Moïse regarda : le buisson brûlait sans se consumer.
Moïse se dit alors : « Je vais faire un détour pour voir cette chose extraordinaire : pourquoi le buisson ne brûle-t-il pas ? »
Le Seigneur vit qu'il avait fait un détour pour venir regarder, et Dieu l'appela du milieu du buisson : « Moïse ! Moïse ! » Il dit : « Me voici ! »
Dieu dit alors : « N'approche pas d'ici ! Retire tes sandales, car le lieu que foulent tes pieds est une terre sainte !
Je suis le Dieu de ton père, Dieu d'Abraham, Dieu d'Isaac, Dieu de Jacob. » Moïse se voila le visage car il craignait de porter son regard sur Dieu.
Le Seigneur dit à Moïse : « J'ai vu, oui, j'ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte, et j'ai entendu ses cris sous les coups des chefs de corvée. Oui, je connais ses souffrances.
Je suis descendu pour le délivrer de la main des Égyptiens et le faire monter de cette terre vers une terre spacieuse et fertile, vers une terre ruisselant de lait et de miel, vers le pays de Canaan.
Moïse répondit : « J'irai donc trouver les fils d'Israël, et je leur dirai : 'Le Dieu de vos pères m'a envoyé vers vous. ' Ils vont me demander quel est son nom ; que leur répondrai-je ? »
Dieu dit à Moïse : « Je suis celui qui suis. Tu parleras ainsi aux fils d'Israël : 'Celui qui m'a envoyé vers vous, c'est : JE-SUIS. ' »
Dieu dit encore à Moïse : « Tu parleras ainsi aux fils d'Israël : 'Celui qui m'a envoyé vers vous, c'est YAHVÉ, c'est LE SEIGNEUR, le Dieu de vos pères, Dieu d'Abraham, Dieu d'Isaac, Dieu de Jacob. ' C'est là mon nom pour toujours, c'est le mémorial par lequel vous me célébrerez, d'âge en âge".

Evangile de Jésus-Christ selon saint Luc 13,1-9.
Un jour, des gens vinrent rapporter à Jésus l'affaire des Galiléens que Pilate avait fait massacrer pendant qu'ils offraient un sacrifice.
Jésus leur répondit : « Pensez-vous que ces Galiléens étaient de plus grands pécheurs que tous les autres Galiléens, pour avoir subi un tel sort ?
Eh bien non, je vous le dis ; et si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous comme eux.
Et ces dix-huit personnes tuées par la chute de la tour de Siloé, pensez-vous qu'elles étaient plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem ?
Eh bien non, je vous le dis ; et si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de la même manière. »
Jésus leur disait encore cette parabole : « Un homme avait un figuier planté dans sa vigne. Il vint chercher du fruit sur ce figuier, et n'en trouva pas.
Il dit alors à son vigneron : 'Voilà trois ans que je viens chercher du fruit sur ce figuier, et je n'en trouve pas. Coupe-le. A quoi bon le laisser épuiser le sol ? '
Mais le vigneron lui répondit : 'Seigneur, laisse-le encore cette année, le temps que je bêche autour pour y mettre du fumier.
Peut-être donnera-t-il du fruit à l'avenir. Sinon, tu le couperas. ' »

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28 février 2010 7 28 /02 /février /2010 10:33

viande_feu.jpgDimanche dernier, Jésus était mené au désert. Et là, il était tenté. Il connaissait les tentations du pouvoir, de l’avoir immédiat, de l’immortalité et donc du refus de la mort, et donc aussi du refus de toute limite. Jésus, un homme comme les autres. Un homme qui devait lutter, intérieurement, contre le mal, pour progresser en humanité.

Et ce matin, voici le même Jésus, transfiguré. Il nous révèle le visage du Père. Méconnaissable. Même ses vêtements ont pris la couleur de la résurrection. Le même qui devait lutter pour devenir homme a ce matin le visage de Dieu. Le même que nous rencontrions dimanche dernier dans son humanité nous révèle aujourd’hui sa divinité.

Le temps du carême nous invite à redécouvrir la profondeur et la vérité de notre vocation, le projet de Dieu pour nous. Car comme le dit le Concile : « Le mystère de l’homme ne s’éclaire vraiment que dans le mystère du Christ ». Jésus nous révèle notre vocation : celle de devenir des hommes et des femmes vraiment humains. C’est-à-dire des hommes et des femmes qui se délestent petit à petit de tout ce qui nous déshumanise. Des hommes et des femmes qui, progressivement, prennent figure humaine, sont transfigurés, et dévoilent par là le visage de Dieu.

La vérité de notre humanité se trouve en Dieu. Le message de la transfiguration de Jésus, c’est que nous sommes fait pour Dieu, c’est-à-dire pour l’amour.

Orienter ce temps de carême vers la recherche de cette humanité, voilà qui peut donner du sens à notre marche vers Pâques.

Mais c’est là un programme lourd, qui peut paraître difficile, et même insurmontable si nous nous engageons seuls.

Or, nous ne sommes pas seuls. Et la lecture de l’extrait du livre de la Genèse doit nous rassurer, nous réconforter, nous encourager.

 

Ce texte paraît étrange. Abraham s’entretient dans une vision avec le Seigneur, qui lui demande de prendre « une génisse de trois ans, une chèvre de trois ans, un bélier de trois ans, une tourterelle et une jeune colombe.». Abraham les partage en deux, sauf les animaux les plus petits, et place chaque moitié face à face… Comme Abraham est face au Seigneur… Comme Dieu et l’homme sont en vis-à-vis. Et que ce passe-t-il alors ? Le sang coule, évidemment ! Et le sang, c’est la vie. La vie entre Dieu et l’homme est en train de se perdre ? Alors la torche enflammée va passer entre les morceaux de viande et va brûler la viande, arrêtant par là le sang de couler, et la vie de se perdre. Cette cuisson est le signe de l’Alliance. D’une Alliance sans retour possible, autant qu’il n’est pas possible de refaire couler le sang d’une viande cuite. L’Alliance est scellée à jamais. La promesse sera tenue. La vie de l’homme ne se perdra pas. La vie ne sera jamais perdue, Dieu s’y est engagé.


            Je dis Dieu, car c’est bien Dieu et Dieu seul qui agit alors : Abraham dort, il est dans un sommeil qui rappelle le sommeil de Pierre lors de l’événement de la Transfiguration de Jésus, et aussi le sommeil d’Adam lorsque Dieu crée la femme. Le sommeil de l’homme lorsque Dieu crée, lorsqu’il scelle l’Alliance, lorsqu’il manifeste sa gloire… signifie que c’est Dieu, et Dieu seul, qui agit dans ces moments là.

Et que l’homme est alors le partenaire choisit, le dépositaire de la Création, le bénéficiaire privilégié de l’Alliance et de la promesse, l’appelé à la gloire de Dieu.

 

Si nous nous engageons sur ce chemin d’humanisation en nous préparant à la fête de Pâques, nous devons savoir que c’est Dieu, le premier, qui s’engage. Et qui s’engage d’un engagement sans retour : c’est cuit !

Il s’engage à nos côté dès le premier jour de notre vie. Il s’engage à nos côtés au jour de notre baptême. Il s’engage à nos côtés dans les grands et les petits choix que nous posons. Il s’engage à nos côtés dans le quotidien de nos vies. Sans nous laisser tomber, quelques soient notre histoire et notre état d’esprit, quelque soit aussi notre frayeur (comme celle d’Abraham, ou celle de Pierre). Il s’engage respectueusement, amoureusement. Car Dieu s’engage d’abord et seulement par amour.

 

C’est dans cet engagement mutuel de l’un vers l’autre, dans cette ouverture mutuelle du visage de l’un au visage de l’autre, que se joue le face à face amoureux et édifiant de l’Homme avec Dieu.

A la suite d’Abraham et de Pierre, laissons-nous en-visager par Dieu lui-même.

Apprenons ensemble à nous désarmer devant lui, apprenons à tomber de sommeil, nous aussi, à baisser la garde, pour le laisser, lui, nous recréer, nous refaçonner, nous transfigurer.

Alors nous entrerons encore plus avant dans la promesse et dans l’Alliance. Alors nous entrerons encore plus dans le projet de vie et de bonheur qu’il nous propose. Alors nous prendrons encore un peu plus visage d’Homme, visage du Christ, visage de Dieu.

Amen.

P. Benoît Lecomte



Livre de la Genèse 15,5-12.17-18.
Le Seigneur parlait à Abraham dans une vision. Puis il le fit sortir et lui dit : « Regarde le ciel, et compte les étoiles, si tu le peux… » Et il déclara : « Vois quelle descendance tu auras ! »
Abram eut foi dans le Seigneur et le Seigneur estima qu'il était juste.
Puis il dit : « Je suis le Seigneur, qui t'ai fait sortir d'Our en Chaldée pour te mettre en possession de ce pays. »
Abram répondit : « Seigneur mon Dieu, comment vais-je savoir que j'en ai la possession ? »
Le Seigneur lui dit : « Prends-moi une génisse de trois ans, une chèvre de trois ans, un bélier de trois ans, une tourterelle et une jeune colombe. »
Abram prit tous ces animaux, les partagea en deux, et plaça chaque moitié en face de l'autre ; mais il ne partagea pas les oiseaux.
Comme les rapaces descendaient sur les morceaux, Abram les écarta.
Au coucher du soleil, un sommeil mystérieux s'empara d'Abram, une sombre et profonde frayeur le saisit.
Après le coucher du soleil, il y eut des ténèbres épaisses. Alors un brasier fumant et une torche enflammée passèrent entre les quartiers d'animaux.
Ce jour-là, le Seigneur conclut une Alliance avec Abram en ces termes : « A ta descendance je donne le pays que voici. »

Evangile de Jésus-Christ selon saint Luc 9,28-36.
Jésus prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il alla sur la montagne pour prier.
Pendant qu'il priait, son visage apparut tout autre, ses vêtements devinrent d'une blancheur éclatante.
Et deux hommes s'entretenaient avec lui : c'étaient Moïse et Élie,
apparus dans la gloire. Ils parlaient de son départ qui allait se réaliser à Jérusalem.
Pierre et ses compagnons étaient accablés de sommeil ; mais, se réveillant, ils virent la gloire de Jésus, et les deux hommes à ses côtés.
Ces derniers s'en allaient, quand Pierre dit à Jésus : « Maître, il est heureux que nous soyons ici ! Dressons donc trois tentes : une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. » Il ne savait pas ce qu'il disait.
Pierre n'avait pas fini de parler, qu'une nuée survint et les couvrit de son ombre ; ils furent saisis de frayeur lorsqu'ils y pénétrèrent.
Et, de la nuée, une voix se fit entendre : « Celui-ci est mon Fils, celui que j'ai choisi, écoutez-le. »
Quand la voix eut retenti, on ne vit plus que Jésus seul. Les disciples gardèrent le silence et, de ce qu'ils avaient vu, ils ne dirent rien à personne à ce moment-là.
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21 février 2010 7 21 /02 /février /2010 17:57

croixtaize.JPGNous sommes déjà le premier dimanche de carême. Le temps du désert. Le temps de la conversion. Historiquement, le temps de la pénitence.

Il faut bien l’avouer, le carême a plutôt mauvaise presse, et traiter quelqu’un de « face de carême » ne s’apparente pas à un compliment amical.

Pourtant, ne faut-il pas retrouver le sens profond du carême, et y découvrir un temps de joie, de préparation, de mise en condition, de simplicité, de dépouillement, de recentrement ?

Le carême pour le carême ne rime à rien. Il n’y a pas de carême sans sa visée : Pâques. Rien ne sert de préparer une fête si on ne pense pas à la fête.

 

Ce matin, deux signes nous parlent du carême : une nouvelle croix pour le cœur de cette église, et le baptême de Marie-Amélie. Le baptême et la croix nous parlent du carême.

La croix, c’est le chemin. Le baptême, c’est l’origine et le but. C’est la nouvelle naissance. C’est la résurrection. C’est la nouvelle Création.

Le baptême nous raconte Pâques. Etre baptisé, comme Marie-Amélie ce matin, c’est rendre visible et effectif le travail de la Pâque de Dieu en nous. De sa force de résurrection. C’est être plongé dans la vie de Dieu pour en recevoir son Esprit et devenir porteur de la Parole de son Evangile. Etre baptisé, c’est se reconnaître Fils ou Fille de Dieu.

Luc, dans son évangile, lie les tentations avec le baptême. Jésus est tenté « après son baptême », mais aussi à cause de son baptême : « Si tu es le Fils de Dieu, alors fais ceci, ou fais cela… ». Tout à l’heure, Nadia et Thierry, nous vous demanderons de vous engager pour Marie-Amélie à lutter contre le mal et contre toute forme de tentation. Parce que baptisée, elle aura à vivre l’épreuve du combat spirituel, qu’on me définissait un jour comme un combat que nous menons contre Dieu, et qu’il faut sans cesse nous efforcer de perdre.

La tentation veut cacher la source baptismale et nous éloigner de la puissance de la résurrection. Le but du temps du carême, c’est de redécouvrir la profondeur et la vigueur de cette Pâque en nous. De revenir à la source du baptême que nous avons reçu il y a si longtemps, et que nous enfouissons à longueur de temps. Si le carême est une traversée du désert, c’est parce qu’il est avant tout une plongée dans la vérité de nos vies.

Jésus est conduit par l’Esprit à travers le désert. Et ce temps est pour lui expérience de purification parce que de vérité : qui veux-tu être ? que veux-tu faire ? où en es-tu avec le Dieu que tu appelles Père ?

Plongée radicale dans l’intime de nos vies, pour se redécouvrir enfant de Dieu, déjà ressuscité. Ce matin, c’est Marie-Amélie qui nous indique le but de notre chemin de carême.

 

Mais ce chemin communautaire et personnel est inscrit dans une dynamique précise : celle de la croix. La croix est l’orientation, le guide pour la route, et il est heureux que ce matin, justement, notre paroisse se dote d’une nouvelle croix, réalisée sur le modèle de la croix de la communauté de Taizé. Cette croix, à Taizé, est placée dans l’église de la réconciliation. Une croix pour se réconcilier avec Dieu, avec ses frères et avec soi-même. Une croix pour manifester la réconciliation déjà réalisée de l’homme avec Dieu, en Jésus-Christ. L’orientation du chemin est là : la croix, la réconciliation. La réconciliation par la croix. Rien de négatif. Rien de triste, bien au contraire : pour accueillir pleinement Pâques, nous nous découvrons petit à petit pécheurs déjà pardonnés. Joie du retour au Père. Joie de l’amour jamais définitivement perdu. A cause de la croix.

            Elle nous indique le dépouillement que nous avons à vivre jour après jour. L’abandon de sa vie entre les mains du Père. Comme une résistance dans la lutte contre ces tentations que Jésus lui-même connaît. Tentation de l’avoir et de la possession : « ordonne à cette pierre de devenir du pain ». Tentation du pouvoir : « je te donnerai le pouvoir sur tous ces royaumes, et leur gloire ». Tentation de la trahison de Dieu, ou de l’utilisation de Dieu à son profit : « jette-toi, il donnera pour toi à ses anges de te garder ». Dans son évangile, Luc, encore, lie lui-même étroitement ces tentations avec l’épreuve de la croix, lorsqu’il dit que « Ayant ainsi épuisé toutes les formes de tentation, le démon s’éloigna de Jésus jusqu’au moment fixé ». Et ce moment fixé, c’est celui de la Passion et de la crucifixion. La croix est chemin de vie, non pas parce qu’elle nous conduit à la mort, mais parce qu’elle nous invite à rechoisir sans cesse les priorités de nos vies, et à nous recentrer sur Dieu plutôt que sur soi.

Cette croix nous accompagnera donc tout au long du carême, et au-delà ensuite. Elle nous aidera à ne pas nous perdre dans notre traversée du désert. Elle nous guidera pour retrouver la source radicale de nos vies : la puissance de Pâque, la force du Christ qui agit en nous et qui nous fait rechoisir, jour après jour, la vie plutôt que la mort, l’amour plutôt que la haine, le pardon et la réconciliation plutôt que l’oubli et l’éparpillement.

Amen.

P. Benoît Lecomte


Evangile de Jésus-Christ selon saint Luc 4,1-13.
Après son baptême, Jésus, rempli de l'Esprit Saint, quitta les bords du Jourdain ; il fut conduit par l'Esprit à travers le désert
où, pendant quarante jours, il fut mis à l'épreuve par le démon. Il ne mangea rien durant ces jours-là, et, quand ce temps fut écoulé, il eut faim.
Le démon lui dit alors : « Si tu es le Fils de Dieu, ordonne à cette pierre de devenir du pain. »
Jésus répondit : « Il est écrit : Ce n'est pas seulement de pain que l'homme doit vivre. »
Le démon l'emmena alors plus haut, et lui fit voir d'un seul regard tous les royaumes de la terre.
Il lui dit : « Je te donnerai tout ce pouvoir, et la gloire de ces royaumes, car cela m'appartient et je le donne à qui je veux.
Toi donc, si tu te prosternes devant moi, tu auras tout cela. »
Jésus lui répondit : « Il est écrit : Tu te prosterneras devant le Seigneur ton Dieu, et c'est lui seul que tu adoreras. »
Puis le démon le conduisit à Jérusalem, il le plaça au sommet du Temple et lui dit : « Si tu es le Fils de Dieu, jette-toi en bas ;
car il est écrit : Il donnera pour toi à ses anges l'ordre de te garder ;
et encore : Ils te porteront sur leurs mains, de peur que ton pied ne heurte une pierre. »
Jésus répondit : « Il est dit : Tu ne mettras pas à l'épreuve le Seigneur ton Dieu. »
Ayant ainsi épuisé toutes les formes de tentations, le démon s'éloigna de Jésus jusqu'au moment fixé.

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21 février 2010 7 21 /02 /février /2010 17:55

 

La bénédiction et la malédiction traversent les textes de ce matin. Il y a les gens heureux, et les gens malheureux. Les gens bénis, et les gens maudits.

Or ces béatitudes de Luc peuvent être source d’un grand contre-sens si on les prend au pied de la lettre, et de façon matérialiste.

Heureux les pauvres, malheureux les riches. Heureux ceux qui ont faim, malheureux ceux qui sont repus. Heureux ceux qui pleurent, malheureux ceux qui rient… autant d’affirmations qui doivent nous paraître déplacées. Certes, tous ceux qui partent voyager dans des pays référencés comme « pauvres » reviennent en témoignant que la richesse de ces populations n’est pas dans l’avoir matériel, mais dans la qualité relationnelle et dans la simplicité de vie. Il y a une joie qui se dégagent de ceux qui n’ont pas grand chose.

Et pourtant, il faut nous arrêter là. Car il ne peut pas être question, dans cette page d’Evangile, de faire l’éloge de la pauvreté comprise au sens de la misère.

Il n’y a pas de bonheur à ne pas savoir comment boucler ses fins de mois. Il n’y a pas de bonheur à ne pas savoir ce qu’on va donner à manger à ses enfants le lendemain. Il n’y a pas de bonheur à avoir le ventre vide. Et l’on ne peut pas dire qu’il y a plus de joie à pleurer qu’à rire !

Il y a parmi nous et autour de nous tant de personnes qui aimeraient manger à leur faim chaque jour et rire (et en partageant cette page d’évangile avec les membres de l’Equipe d’Animation Pastorale l’autre jour, des noms et des prénoms venaient à nos lèvres), qu’il serait indécent de leur dire qu’ils doivent être heureux de leur situation.

Alors que faire de cette page d’évangile ?

 

Il me semble que ce qui est en jeu n’est pas la pauvreté ou la richesse matérielle, mais la disponibilité du cœur, l’ouverture à la rencontre, l’accueil des événements de la vie.

En d’autres termes, si on peut dire que la richesse et la pauvreté de quelqu’un se mesure à la qualité de ses placements, il s’agit pour chacun de nous de ne pas nous tromper dans nos investissements !

Le prophète Jérémie le dit à sa façon : « Béni soit l’homme qui met sa confiance dans le Seigneur, dont le Seigneur est l’espoir ». Le psaume lui répond : « Heureux est l’homme qui se plaît dans la loi du Seigneur ». Et saint Paul vient encore à notre secours : « Si nous avons mis notre espoir dans le Christ pour cette vie seulement, nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes. Mais non ! le Christ est ressuscité d’entre les morts, pour être parmi les morts le premier ressuscité ». Autrement dit : n’investi pas sur ce qui passe. Investi plutôt sur ce qui ne passe pas, sur ce qui ne meurt pas, ou sur ce qui ressuscite et te ressuscite.

Ne vise pas le placement à cours terme. Vise tout de suite l’éternité. Et l’éternité, ce n’est pas le temps infini qu’on place après le passage de la mort. L’éternité, c’est l’aujourd’hui de Dieu déjà à l’œuvre dans ta vie. L’éternité, c’est la puissance de l’amour qui te fait aimer comme le Christ t’aime. Voilà le placement qui rapporte plus que tous les autres. Celui qui ne craint pas les fluctuations du cours de la bourse. Celui qui ne s’effondre pas quand les soucis de la vie te harcèlent.

 

Mais seul celui qui sait être pauvre peut véritablement investir dans l’amour. Car celui qui est riche et rassasié peut croire qu’il n’a besoin de personne et qu’il se suffit à lui-même. Mais celui qui se sait être pauvre fait l’expérience de la nécessité des autres, et de Dieu. Il sait qu’il ne peut pas s’en sortir seul. Il sait que sa vie dépend de son ouverture à celui qui vient. Il a la nécessité d’être à l’écoute de tout ce qui peut passer pour améliorer son quotidien.

Etre à l’écoute. Etre en état d’attente. Comme pour recevoir ce qui nous manque d’essentiel et de vital, de plus important encore que le montant du compte en banque : l’amour.

Jésus ne fait pas l’éloge de la misère, ni ne critique la richesse matérielle. Mais il donne à tous en exemple l’attitude du pauvre par rapport à l’attitude du riche, la disposition du pauvre par rapport à celle que peut être celle du riche.

Pourquoi ne pas entendre cette page d’Evangile comme un appel, à quelques jours d’entrer en carême et d’entamer notre chemin vers Pâques ?

Un chemin qu’il nous faut faire personnellement. Mais sans jouer le riche, qui peut se croire capable de tout faire seul. Un chemin que l’on pourra aussi vivre ensemble, communautairement, parce qu’on aura besoin les uns des autres pour découvrir le Mystère de Pâques auquel nous sommes promis.

 

Les pauvres sont nos modèles, et nous rappellent à nos propres pauvretés. Ensemble, riches de nos manques et de nos attentes, investissons sur l’amour qui ne passe pas, sur la Parole de Dieu toujours vivante, sur l’autre, visage du Christ, qui s’est fait pauvre en prenant nos propres pauvretés.

 

Amen.

P. Benoît Lecomte

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7 février 2010 7 07 /02 /février /2010 11:30

onction_des_malades.jpgIsaïe. «Malheur à moi ! je suis perdu », s’écrie-t-il. Il est pêcheur. Il n’a pas confiance en lui. Il se sait petit au milieu d’un peuple perdu lui aussi. Mais le Seigneur s’approche de lui, lui touche les lèvres. Et quand Dieu demande un messager, Isaïe se lève : « Moi, je serai ton messager : envoie-moi »

Paul. Il se décrit lui-même comme l’avorton des apôtres, le dernier de tous, le plus petit de tous. Il rappelle qu’il est celui qui a persécuté l’Eglise de Dieu. Il n’est pas digne d’être appelé Apôtre. Mais il a entendu l’appel du Christ, et le voilà passant sa vie à transmettre ce qu’il a reçu : l’Evangile de Dieu, la Bonne Nouvelle du Christ mort et ressuscité. A un autre endroit, il dira qu’il trouve sa force dans sa faiblesse, et il se comparera à un vase d’argile contenant un trésor.

Simon. Il est pécheur. Il a peiné toute la nuit sans rien prendre. Il est fatigué. Mais il obéit à Jésus, et devant la quantité de poisson prise, il tombe aux pieds de Jésus et prend peur : « Eloigne-toi de moi ! » Pourtant, c’est lui que Jésus appelle en premier, c’est lui que Jésus choisi… Et on connaît la suite, et la force que Simon devenu Pierre déploiera pour maintenir la communion de l’Eglise naissante.

 

Isaïe, Paul, Simon-Pierre. Trois hommes qui avouent leurs faiblesses et leurs fragilités, leurs peurs, leurs doutes. Trois hommes qui savent qu’ils ne peuvent pas grand chose devant la grandeur de Dieu. Mais trois hommes que Dieu appelle, trois hommes en qui Dieu donne toute sa confiance. Trois hommes qui vont alors tout donner d’eux-mêmes pour répondre à l’appel du Seigneur.

La réponse qu’ils donnent ne changent rien à ce qu’ils sont : ils gardent les mêmes faiblesses, les mêmes limites. Mais ils savent et ils comprennent que Dieu les a appelé tels qu’ils sont, et qu’il fait de ses faiblesses et de ses limites le lieu même de son action.

Dieu agit d’abord dans notre fragilité. Pas dans nos forces ou nos blindages.

Lorsque frère Roger, le fondateur de la communauté de Taizé, est mort assassiné dans l’église pendant la prière du soir, en août 2005, un patriarche Latin a écrit une lettre aux frères de Taizé, leur disant que frère Roger était mort par la même où Dieu avait agit en lui toute sa vie : sa vulnérabilité. Dieu a pu faire de grandes choses en frère Roger, parce que ce dernier était vulnérable.

Comme Isaïe. Comme Paul. Comme Simon-Pierre.

Dieu ne se révèle jamais dans la force et le merveilleux. Mais il se fait connaître dans la brise légère, dans l’enfant muet de la crèche, dans le tombeau vide du matin de Pâques… Là-même où le doute peut s’insinuer. Là-même où rien n’est plus sûr. Là-même où nous pouvons croire qu’il nous a abandonné.

 

Maria, Sylvie, Marcel, Mado, Pierrette, Jean, Jacqueline, Laure, vous avez demandé à recevoir ce matin le sacrement de l’onction des malades. Vous avez demandé à le recevoir en communauté, et en communion avec tous ceux du diocèse qui l’ont reçu hier, au Sacré Cœur, à l’occasion de la journée des malades.

En vivant ce sacrement avec nous, vous devenez un peu ces Isaïe, ces Paul et ces Simon. Votre maladie, votre fatigue, votre faiblesse nous rappelle à la fragilité de notre commune humanité, et à nos propres faiblesses. Mais en accueillant parmi nous le don de la tendresse et de la proximité de Dieu, vous nous rappelez aussi que cette faiblesse n’empêche pas Dieu d’agir en vous et en nous.

Votre présence ce matin parmi nous est signe d’espérance pour nous tous. Car elle est le signe vivant que Dieu appelle chacun, quelque soit son état, sa forme et sa force. Dieu continue d’appeler chacun à donner et à aimer, car il voit plus loin et plus profond que nous, et il sait que nous sommes capables d’aimer jusque dans nos fragilités. Notre Dieu n’est pas comme ce monde qui cherche à tout prix l’excellence, la rentabilité, la compétition, la valeur marchande et la concurrence. Notre Dieu sait que chacun de nous est unique, et que chacun a du prix. Même quand la société ne sais plus le voir. Dieu ne calcule pas la force. Dieu ne calcule pas.

En vivant ce sacrement avec nous ce matin, vous dites à votre manière ce que Paul annonçait aux Corinthiens : « Ce que je suis, je le suis par la grâce de Dieu, et la grâce dont il m’a comblé n’a pas été stérile […] A vrai dire, ce n’est pas moi, c’est la grâce de Dieu avec moi ».

En vivant ce sacrement, vous devenez prophètes de ce Dieu pour qui l’homme, quelque soit son histoire ou son état, est plus important que toute autre considération. Et vous devenez signe que Dieu vient rencontrer l’homme, là même où nous ne l’espérons plus. Et qu’il nous appelle, chacun de nous, tels que nous sommes, à l’aimer, à le suivre et à l’annoncer.

Pour qu’à notre tour, chacun avec son prénom et chacun à sa façon, nous devenions des Isaïe, des Paul et des Simon.

Amen.

P. Benoît Lecomte




Evangile de Jésus-Christ selon saint Luc 5,1-11.
Un jour, Jésus se trouvait sur le bord du lac de Génésareth : la foule se pressait autour de lui pour écouter la parole de Dieu.
Il vit deux barques amarrées au bord du lac ; les pêcheurs en étaient descendus et lavaient leurs filets.
Jésus monta dans une des barques, qui appartenait à Simon, et lui demanda de s'éloigner un peu du rivage. Puis il s'assit et, de la barque, il enseignait la foule.
Quand il eut fini de parler, il dit à Simon : « Avance au large, et jetez les filets pour prendre du poisson. »
Simon lui répondit : « Maître, nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre ; mais, sur ton ordre, je vais jeter les filets. »
Ils le firent, et ils prirent une telle quantité de poissons que leurs filets se déchiraient.
Ils firent signe à leurs compagnons de l'autre barque de venir les aider. Ceux-ci vinrent, et ils remplirent les deux barques, à tel point qu'elles enfonçaient.
A cette vue, Simon-Pierre tomba aux pieds de Jésus, en disant : « Seigneur, éloigne-toi de moi, car je suis un homme pécheur. »
L'effroi, en effet, l'avait saisi, lui et ceux qui étaient avec lui, devant la quantité de poissons qu'ils avaient prise ;
et de même Jacques et Jean, fils de Zébédée, ses compagnons. Jésus dit à Simon : « Sois sans crainte, désormais ce sont des hommes que tu prendras. »
Alors ils ramenèrent les barques au rivage et, laissant tout, ils le suivirent.

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31 janvier 2010 7 31 /01 /janvier /2010 18:59

Charente_Libre.png « Nul n’est prophète enson pays. » Parole dure de Jésus à ses voisins, à ses amis d’enfance, à ceux qui l’ont connu et vu grandir, à tous ceux qui le connaissent. Ils ont eu le temps, pendant 30 ans, de parler, de manger, de vivre avec lui. Alors ils s’imaginent qu’ils ont fait le tour de la question : il est le fils de Joseph, le charpentier. Ces derniers temps, ils ont entendu parler de grandes choses qu’il avait faites à Capharnaüm, mais en vérité, ils ont déjà enfermé Jésus dans leur vision et leur idée. Et l’ont étiqueté. Et lui répond à cet enfermement quasiment par une condamnation : il ne fera aucun miracle au milieu d’eux. Comme s’ils étaient incapables d’accueillir la nouveauté et la grandeur de Dieu dans leur vie !

Jésus leur oppose des paroles d’invitation à l’ouverture. En puisant dans les récits de l’Ancien Testament, au temps du prophète Elie ou du prophète Elisée, il va appeler ses compatriotes à laisser la porte ouverte au mystère et à l’inconnu. A ne pas vouloir tout réduire selon des schémas établis que rien ne devrait changer.

Cette invitation est toujours bonne à entendre pour nous-mêmes, évidemment. Nous pouvons être les premiers, même dans l’Eglise, à coller des étiquettes sur les uns et sur les autres, à « cataloguer » les gens selon nos propres critères personnels, et à ne pas laisser chacun être et devenir soi-même. Autant de tentations auxquelles il nous faut toujours résister.

 

Mais cette situation m’en rappelle une autre, datée de cette semaine.

Vous avez peut-être lu l’article de la Charente Libre de mardi dernier, intitulé « L’Eglise en Charente a pris un sérieux coup de vieux ».

Loin de moi l’idée de revenir sur les faits objectifs avancés par le journaliste. La pyramide des âges du clergé, la moyenne d’âge des pratiquants réguliers, le nombre même de pratiquants, de baptêmes et de mariages célébrés… tous ces indicateurs lui donnent raison, et on peut même dire que le constat ne se limite pas à la Charente. Et l’article de citer un certain nombre de prêtres qui disent, chacun à sa façon, comment ils vivent cette état du moment.

Pourtant, il me semble qu’on trouve là une situation qui pourrait s’apparenter à celle de notre page d’Evangile. En effet, il s’agit toujours de schéma qu’on applique sur une réalité, sans laisser à cette réalité la possibilité d’être pleinement elle-même. Je ne reproche pas à la Charente Libre de ne pas faire un traité exhaustif sur l’Eglise. Mais je voudrais éclairer ce qui nous ai dit à cause de l’ « année sacerdotale » que nous vivons en ce moment.

Car l’année sacerdotale doit justement nous inviter à sortir d’une Eglise qui ne serait portée et vécue que par les prêtres à cause de leur sacerdoce, pour découvrir que le sacerdoce est l’affaire de tous les baptisés, dont quelques-uns sont ordonnés pour le service de tous.

Et cela change tout.

En tout cas, cela change notre façon de voir. De la même façon que Jésus tente d’ouvrir les hommes de Nazareth à un autre schéma de pensée sur Dieu, l’année sacerdotale peut nous ouvrir à un autre schéma de pensée de la vie de nos communautés chrétiennes.

Certes, il y aura toujours besoin de ministres ordonnés pour rappeler à chacun sa vocation propre, pour exercer le ministère et célébrer le sacrement de la communion. Mais ces hommes ne sont pas là pour être prêtres seuls, ils sont là pour rappeler à tous que chacun est appelé à vivre sa propre vocation sacerdotale.

Cette vocation qui ouvre l’homme à la transcendance divine et élargit ses horizons à toute l’humanité.

Le sacerdoce est commun à tous, parce qu’il est le don de sa vie par amitié pour le Christ. Le sacerdoce est commun à tous parce qu’il s’agit d’abord là de devenir un ami de Jésus, qui nous entraine à nous donner nous-mêmes au service de nos frères. Et cela n’est pas réservé aux seuls ministres ordonnés. Il est l’un des nœud de la vie chrétienne que tous les baptisés partagent.

Nous voilà donc non pas réduits à nous lamenter sur la diminution du nombre de prêtres, mais à prendre conscience de la nouveauté toujours nouvelle du sacerdoce que nous avons reçu : et c’est là une révolution peut-être aussi importante que celle que propose Jésus dans l’Evangile.

Là aussi, un schéma étroit et enferment est brisé, pour ouvrir sur un horizon plus large qu’il nous faut maintenant apprivoiser.

 

Finalement, cette dimension sacerdotale n’est-elle pas une façon de vivre ce que Paul nomme « l’amour » dans sa lettre aux Corinthiens, dont nous entendrons la fin tout à l’heure ? Il s’agit pour nous, d’abord et avant tout, de nous aimer les uns les autres, et de nous donner par amour pour l’autre. Il s’agit d’obtenir parmi les don de Dieu ce qu’il y a de meilleur : un amour qui ne peut venir que de Dieu, si on veut qu’il reste humain et qu’il soit encore possible à vivre. Parler de sacerdoce, c’est parler d’amour reçu et donné, de cet amour que Paul chante pour nous aujourd’hui.

 

Le problème ne serait donc pas tant qu’il y ait moins de prêtres, que de redécouvrir à nouveau frais l’appel à aimer que Dieu nous adresse chaque jour, au nom de notre vocation sacerdotale commune. Et alors, si nous vivons cela en vérité et en profondeur, nul doute que nos communautés (en Charente et ailleurs !), sauront appeler des hommes à devenir prêtre pour se mettre au service de l’Eglise et de l’humanité.

Et que cette ouverture nous conduira non pas à la mort, comme y conduit l’enfermement, mais à un surplus de vie et de joie, vécu dans l’amour, qui ne passera jamais.

Amen.

 

P. Benoît Lecomte



Evangile de Jésus-Christ selon saint Luc 4,21-30.
Dans la synagogue de Nazareth, après la lecture du livre d'Isaïe, Jésus déclara : « Cette parole de l'Écriture que vous venez d'entendre, c'est aujourd'hui qu'elle s'accomplit. »
Tous lui rendaient témoignage ; et ils s'étonnaient du message de grâce qui sortait de sa bouche. Ils se demandaient : « N'est-ce pas là le fils de Joseph ? »
Mais il leur dit : « Sûrement vous allez me citer le dicton : 'Médecin, guéris-toi toi-même. Nous avons appris tout ce qui s'est passé à Capharnaüm : fais donc de même ici dans ton pays ! ' »
Puis il ajouta : « Amen, je vous le dis : aucun prophète n'est bien accueilli dans son pays.
En toute vérité, je vous le déclare : Au temps du prophète Élie, lorsque la sécheresse et la famine ont sévi pendant trois ans et demi, il y avait beaucoup de veuves en Israël ;
pourtant Élie n'a été envoyé vers aucune d'entre elles, mais bien à une veuve étrangère, de la ville de Sarepta, dans le pays de Sidon.
Au temps du prophète Élisée, il y avait beaucoup de lépreux en Israël ; pourtant aucun d'eux n'a été purifié, mais bien Naaman, un Syrien. »
A ces mots, dans la synagogue, tous devinrent furieux.
Ils se levèrent, poussèrent Jésus hors de la ville, et le menèrent jusqu'à un escarpement de la colline où la ville est construite, pour le précipiter en bas.
Mais lui, passant au milieu d'eux, allait son chemin.

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24 janvier 2010 7 24 /01 /janvier /2010 17:38

Quand on te demande pourquoi tu vas au caté, le plus souvent, tu réponds : « Pour connaître la vie de Jésus ». Je dois t’avouer que je suis souvent étonné par ta réponse. Parce qu’au caté, on parle de Jésus, bien sûr, mais on parle de bien d’autres grands personnages ! Depuis le début de l’année, on a parlé de Moïse, de David, de Marie…

C’est vrai que la dernière fois et ce matin, on a pris le temps de mieux connaître Jésus. De savoir qui il était pour nous.

La dernière fois : on a essayer de distinguer ce qu’on pouvait dire de cet homme de façon historique et scientifique, de ce qu’on pouvait dire de lui à cause de notre foi. Et ce matin, tu as même rempli sa fiche d’identité ! Où il est né, où il est mort, quels étaient ses amis proches, ses principales occupations, ses qualités particulières, etc.

On aime bien faire des fiches d’identité sur les gens. C’est pratique, on croit savoir l’essentiel en peu de mots, ça nous permet de reconnaître une personne par rapport à toutes les autres… Mais si une fiche d’identité peut nous rappeler quelques repères pour situer les gens, elle ne dit pas tout de la personne qu’elle décrit !

D’ailleurs, que pouvons-nous dire de Jésus ? Qui est vraiment Jésus ?

Pour certains, il est un homme extraordinaire. Il est capable de grandes choses. Il a fait des miracles. Il a guérit des gens, il a fait beaucoup de bien autour de lui.

Pour d’autres, c’est un homme ordinaire qui a réussi à faire parler de lui.

Il sera condamné parce qu’il ne respectait pas toutes les traditions de sa religion juive. Mais on peut aussi reconnaître en lui un grand spirituel.

L’évangile de ce matin nous dit qu’il avait une grande renommée et que toute la foule parlait de lui. Mais on sait aussi qu’il aimait se retirer seul, en silence, dans le désert.

On dit de lui qu’il est un homme. On dit aussi qu’il est Dieu. Qu’il est le Fils de Dieu qui s’est fait homme. Qu’il est l’homme qui nous révèle Dieu.

Au caté, l’autre jour, on a découvert qu’il était Parole. Parole de Dieu. Parole qui redonne confiance, qui redonne vie… qui redonne le sourire…

 

Tu dis que tu viens au caté pour connaître Jésus… Et pourtant, qu’il est difficile de dire qui il est ! Alors je vais te confier un secret.

Moi aussi, parfois, je me demande qui est ce Jésus… Quand je le regarde vivre, quand je l’écoute parler dans l’évangile, il me paraît si proche et si lointain à la fois… si fort et si faible… si puissant et si petit… si simple et si profond… si évident et si mystérieux …


Alors voilà à quoi je t’invite… si un jour tu te poses la question de qui est Jésus, et si un début de réponse commence à venir à tes lèvres, alors tais-toi, et fait silence. Fais silence et laisse-le parler, lui. Laisse-le te dire lui-même qui il est. Ce qu’il veut te dire. Ce qu’il veut dire pour toi. Car aucun de tes mots ne pourra répondre à ta question. Seule la rencontre silencieuse avec lui pourra t’en apprendre un peu plus sur lui.

 

Luc, l’auteur de l’évangile, le dit lui-même : « Plusieurs ont entrepris de composer un récit des événements qui se sont accomplis parmi nous. » Il n’est pas simple de savoir qui est Jésus et de parler de lui. Mais tu as remarqué que Luc écrit à une personne qu’il appelle Théophile… et « Théophile », c’est un prénom qui veut dire « celui qui est ami de Dieu ».

Voilà une belle invitation à entendre, pour commencer à lire les Ecritures et à vouloir connaître Jésus : il nous faut devenir des Théophile, il nous faut devenir des amis de Dieu, des amis de Jésus.

 

Au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. C’est l’invocation que nous avons dites au début de la messe, en traçant sur tout notre corps le signe de la croix de Jésus. Comme si c’était lui qui t’avais fait venir ici. C’est à cause de lui que tu as abandonné ta grasse matinée, que tu as mis entre parenthèse la préparation du repas, que tu as fait accéléré tes enfants pour qu’ils soient prêts, que tu as arrêté de jouer avec tes frères et sœurs. C’est lui qui t’a invité à sortir de chez toi alors que tu risquais de te mouiller… Parce qu’il est là, et qu’il est vivant… et que tu l’as déjà rencontré…

C’est lui qui t’a invité à venir retrouver d’autres personnes pour écouter et partager sa Parole. Et dans l’évangile de ce matin, on voit Jésus dire qu’il est lui-même l’accomplissement de cette Parole. Et que cette Parole est Bonne Nouvelle de libération des prisonniers, de lumière pour les aveugles, qu’elle est Bonne Nouvelle pour les pauvres et les opprimés. Regarde le peuple Haïtien : par ses chants de louanges dans les rues dévastées, il est en train de faire découvrir à notre Occident incrédule que Jésus n’est pas celui qui leur a voulu du mal, mais celui qui les fait toujours vivre ! Et c’est ce même Jésus qui t’a invité à venir ici te nourrir, te rassasier, te ressourcer de cette Bonne Nouvelle.

Comme c’est encore lui qui t’invite à sa table, à son repas, et qui se donne lui-même à toi pour que tu sois nourri de sa propre vie, de la vie de Dieu.

 

Alors, nous comprenons que nous ne connaissons pas Jésus comme on apprend l’histoire d’un grand personnage historique. Mais nous connaissons Jésus comme on connaît un ami qu’on ne connaît jamais totalement, et qu’on en fini jamais de découvrir. Un ami qui nous rassemble, encore ce matin, pour le découvrir lui, pour le prier, pour le chanter, le célébrer, et, comme le dit saint Paul, pour que nous devenions son Corps, le signe de sa présence vivante aujourd’hui, au cœur de notre monde.

 

Amen.

P. Benoît Lecomte



Evangile de Jésus-Christ selon saint Luc 1,1-4.4,14-21.
Plusieurs ont entrepris de composer un récit des événements qui se sont accomplis parmi nous,
tels que nous les ont transmis ceux qui, dès le début, furent les témoins oculaires et sont devenus les serviteurs de la Parole.
C'est pourquoi j'ai décidé, moi aussi, après m'être informé soigneusement de tout depuis les origines, d'en écrire pour toi, cher Théophile, un exposé suivi,
afin que tu te rendes bien compte de la solidité des enseignements que tu as reçus.
Lorsque Jésus, avec la puissance de l'Esprit, revint en Galilée, sa renommée se répandit dans toute la région.
Il enseignait dans les synagogues des Juifs, et tout le monde faisait son éloge.
Il vint à Nazareth, où il avait grandi. Comme il en avait l'habitude, il entra dans la synagogue le jour du sabbat, et il se leva pour faire la lecture.
On lui présenta le livre du prophète Isaïe. Il ouvrit le livre et trouva le passage où il est écrit :
L'Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m'a consacré par l'onction. Il m'a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux prisonniers qu'ils sont libres, et aux aveugles qu'ils verront la lumière, apporter aux opprimés la libération,
annoncer une année de bienfaits accordée par le Seigneur.
Jésus referma le livre, le rendit au servant et s'assit. Tous, dans la synagogue, avaient les yeux fixés sur lui.
Alors il se mit à leur dire : « Cette parole de l'Écriture, que vous venez d'entendre, c'est aujourd'hui qu'elle s'accomplit. »
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10 janvier 2010 7 10 /01 /janvier /2010 12:37

 

« Par le bain du baptême, il nous a fait renaître et nous a renouvelés dans l’Esprit Saint.  »

Le baptême de Jésus, dans l’évangile de ce matin, nous rappelle à notre propre baptême. Mais c’est la phrase finale de Saint Paul qui a attiré mon attention : « Par le bain du baptême, il nous a fait renaître et nous a renouvelés dans l’Esprit Saint. »

Comment comprendre cette vie spirituelle, cette vie de l’Esprit à laquelle le baptême nous fait participer ?

 

Quand on parle de vie spirituelle, on pense immédiatement aux moments de prière que l’on peut avoir, personnellement ou communautairement, les uns et les autres. Que ce soit dans le silence de l’oraison, dans la méditation de la Parole de Dieu, par la lecture d’un texte spirituel, dans la célébration des sacrements, nous sommes invités à avoir une « vie spirituelle », une vie habitée de l’Esprit. La vie spirituelle, c’est alors tous ces moments de nos vies souvent trop chargées, où nous arrivons à nous arrêter de courir, pour nous tourner vers Dieu et vers nous-mêmes. Ces temps que l’on dit « ressourçant »… comme s’il nous fallait revenir de temps en temps à la source du bain (baptismal) que nous avons reçu… histoire de ne pas « s’assécher ». Qu’il nous soit facile ou non d’y entrer, nous avons besoin de ces moments privilégiés avec le Seigneur, et il ne faut surtout pas hésiter à nous entraider et nous encourager dans ce sens les uns les autres.

 

Mais lorsqu’on définit la vie spirituelle uniquement de cette façon, je remarque deux choses :

D’abord, elle ne représente qu’une dimension verticale de notre vie, dans sa relation à Dieu. Il s’agit de moi et de Dieu, de Dieu et de moi, et de ce que nous avons à nous dire tous les deux.

Ensuite, je me pose cette question : pouvons-nous nous satisfaire d’une vie spirituelle qui ne se composerait finalement que de petits moments, en fait, de parenthèses au milieu de la course de la vie ? Ne risque-t-on pas de réduire cette vie de l’Esprit en nous, en ne lui réservant que quelques instants difficilement conquis dans l’emploi du temps de nos semaines ?

Si nous sommes vraiment « renés et renouvelés dans l’Esprit Saint », alors ne nous faut-il chercher plus loin ce que signifie cette vie spirituelle ?

 

Je pense alors à ce petit livre du cardinal Kasper qui nous est proposé à la lecture en cette année du sacerdoce, et que nous prenons le temps de lire et de travailler aussi entre prêtres du doyenné[1]. J’ai été surpris de voir qu’au chapitre sur « la vie spirituelle », W. Kasper ne parle pas de la prière, ni de l’oraison, ni de l’assiduité à l’eucharistie, ni de toute autre dévotion particulière auxquelles on aurait pu s’attendre. Mais il décrit la vie spirituelle, la vie de l’Esprit en nous, par l’ouverture à l’autre, la fraternité que nous sommes appelés à avoir les uns avec les autres, le désir de communion qu’on doit rechercher, et par le travail de conseil et de coopération que nous voulons avoir au sein de l’Eglise, entre prêtres, entre prêtres et évêque, et avec tous les baptisés, les coopérateurs et les coopératrices qui prennent part à la mission de l’Eglise.

La vie spirituelle, la vie de l’Esprit, c’est donc d’abord et avant tout la vie fraternelle que nous développons. C’est une vie donnée par l’Esprit et qui porte les fruits de joie, de simplicité, d’attention, de patience, de bonté, de paix, de justice… Une vie qui, de ce fait, n’est donc plus réservés aux seuls chrétiens, puisque l’Esprit Saint agit « dans tous les hommes de bonne volonté », dit le concile Vatican II. La vie spirituelle nous dépasse et nous entraîne, elle est se long apprentissage de l’amour mutuel dans la simplicité du quotidien. Elle est le socle d’un avenir possible de l’humanité. Elle est l’invisible de l’amour qui nous relie les uns aux autres, cet invisible dans lequel les croyants reconnaissent déjà les traces de la justice de Dieu et de son héritage promis qu’est la vie éternelle.


            Jésus - le seul sans péché – est baptisé dans l’eau du Jourdain d’un baptême de conversion des péchés. Mais, averti Jean, « lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et dans le feu ». Et pour notre part, c’est ce baptême d’Esprit et de feu que nous avons reçu.

« Cet Esprit, Dieu l’a répandu sur nous avec abondance, par Jésus Christ notre Sauveur », continue Saint Paul.

 

Après ces 20 jours de fêtes de Noël, pendant lesquelles Dieu s’est révélé Lumière du monde, roi universel et aujourd’hui Fils bien-aimé du Père Tout-Puissant, après ces jours où Dieu a renversé toutes les logiques du monde en se laissant découvrir dans un enfant, en se laissant désigner par des païens et aujourd’hui en se laissant baptiser au milieu des pécheurs, nous allons reprendre dès demain ce que l’Eglise appelle le Temps Ordinaire.

Que la fête de ce jour renouvelle et rajeunisse la vie de l’Esprit en nous et entre nous, que dans l’ordinaire de nos vies, le feu de l’Esprit de Dieu prenne dans nos quartiers et nos cités, dans nos familles et en chacun de ceux que nous sommes appelés à croiser. Et que le Mystère de Noël continue de nous habiter chaque jour de cette année.

Amen.

 

P. Benoît Lecomte



[1] W. Kasper, Serviteur de la joie, La vie de prêtre et le service sacerdotal, Cerf, 2007



Evangile de Jésus-Christ selon saint Luc 3,15-16.21-22.
Le peuple venu auprès de Jean Baptiste était en attente, et tous se demandaient en eux-mêmes si Jean n'était pas le Messie.
Jean s'adressa alors à tous : « Moi, je vous baptise avec de l'eau ; mais il vient, celui qui est plus puissant que moi. Je ne suis pas digne de défaire la courroie de ses sandales. Lui vous baptisera dans l'Esprit Saint et dans le feu.
Comme tout le peuple se faisait baptiser et que Jésus priait, après avoir été baptisé lui aussi, alors le ciel s'ouvrit.
L'Esprit Saint descendit sur Jésus, sous une apparence corporelle, comme une colombe. Du ciel une voix se fit entendre : « C'est toi mon Fils : moi, aujourd'hui, je t'ai engendré. »

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