Voyez ce qu’on a fait de l’Alliance que Dieu nous proposait !
Dimanche dernier, dans la parabole du Fils Prodigue, le Père nous accueillait et nous passait la bague au doigt, en signe d’Alliance retrouvée, en signe de pardon, en signe de joie.
Dieu avait fait Alliance avec l’homme pour que l’homme vive, et qu’il soit heureux et libre. Mais voilà : de cette Alliance libératrice, les hommes ont fait un système religieux, avec ses lois, ses codes et ses règles strictes. Dieu proposait à l’homme la liberté, comme il avait libéré son peuple de l’esclavage d’Egypte, et le peuple et ses chefs n’avaient rien trouvé de mieux à faire que de se recréer une loi asservissante. Et au lieu d’amour et de liberté, de joie et de paix, c’est la méfiance, l’accusation et la condamnation qui se sont mis à régner entre les personnes.
Comme notre cercle d’or : la semaine dernière, il désignait l’alliance voulue par Dieu. Aujourd’hui, le voilà à terre, comme les scribes qui encerclent et enferment la femme qu’ils amènent à Jésus.
Il accusent cette femme. Plus encore, il se servent d’elle pour pouvoir accuser Jésus. Il n’y a plus que logique de condamnation, de sanction, de punition. Les yeux sont devenus aveugles, les cœurs froids, les consciences dures. On ne pense plus qu’en permis / défendu, en pur / impur, en juste / condamné.
Alors la parole de Jésus est décisive. En une phrase, il met tout le monde à égalité et casse la logique d’accusation et de condamnation : « Celui d’entre vous qui n’a jamais péché, qu’il soit le premier à lui jeter la pierre ». Entendons cette phrase pour nous aussi ! Cette femme est jugée parce qu’elle a fait un péché lié à sa sexualité. Et ce type de péché est toujours montré du doigt. Mais ne cache-t-on pas derrière ce doigt bien d’autres formes de manque d’amour ? Je me permets de citer ce qu’un prêtre ami écrit à propos du texte d’aujourd’hui :
« Le péché lié au domaine de la sexualité s’est hypertrophié symboliquement au point d’envahir tout le champ et combien, à l’occasion d’une confession, ne distinguent plus leur péché que là ! Combien ne s’accuseront que de leurs difficultés dans leur gestion de cette dimension et occulteront ainsi, à dessein ou non, la prégnance du péché dans tous les autres domaines ! Combien considéreront comme plus grave d’avoir laissé leur regard s’attarder sur un corps dénudé qu’avoir fraudé le fisc ou n’être pas allé voter ! Combien seront obsédés par un geste immaîtrisé et ne distingueront pas le péché dans ces gestes quotidiens de gaspillage qui, loin du développement durable, mettent en péril notre environnement et l’avenir des générations futures ! Combien d’autres, au final, se croiront justes parce qu’ils sont exempts du péché en ce domaine !
Jésus vient mettre fin à cette dangereuse illusion en replaçant tout le monde dans le même camp. Il n’y a pas de péchés plus graves que d’autres mais il y a LE péché, toujours le même péché, multiforme, se présentant dans nos vies sous tel ou tel masque. Comprendre le péché comme unique nous replace dans une solidarité avec tous nos frères humains. Nous sommes tous, sans exception, victimes et complices du péché.
C’est ainsi qu’aucun de nous n’est habilité pour juger et condamner autrui. C’est ainsi que le seul juge n’est autre que Dieu lui-même, un juge qui ne condamne pas, qui ne ferme pas l’avenir du pécheur, qui ne le réduit pas à son péché mais lui ouvre une porte ».
Jésus casse la logique de supériorité des uns sur les autres et ouvre l’avenir de la femme : « Va ! » Cet avenir que le père de la parabole avait offert à son fils cadet, le voilà redonné par Jésus, à nouveau. Cet avenir et cette vie que nous avions enfermés et bridés, les voilà ré-ouverts par le Christ. Par son pardon et sa résurrection, par sa présence et sa parole, le Christ vient briser tous nos enfermements, tous nos jugements, toutes nos catégories… comme autant de tombeaux intérieurs désormais ouverts. Préparons-nous nous-mêmes à accueillir cette résurrection en nous ? dès aujourd’hui ?
La parabole du père miséricordieux nous disait cette relation d’amour infini entre Dieu et l’homme. Le Christ, ce matin, nous appelle à vivre ce projet de Dieu dans nos relations humaines. Il nous rappelle que tous nos systèmes, qu’ils soient politiques, économiques, sociaux, financiers, religieux, tous doivent placer l’homme en leur centre, car c’est sur l’homme que nous avons à porter en priorité le même regard que celui que Dieu porte sur nous.
En ce 5ème dimanche de carême, c’est ce que le CCFD veut nous rappeler, en nous invitant à réfléchir à la façon dont nous partageons nos richesses, et aux systèmes économiques et financiers que nous mettons en place, tant à l’échelle locale qu’au niveau global. En ce jour d’élections, nous devons aussi nous redire que le vote est d’abord un moyen de participer à un mode de fraternité humaine, et de faire des choix qui ont des conséquences sur notre vie commune, et d’abord sur les plus fragiles. Il en va de notre ouverture sur l’autre, sur son histoire, sur ses conditions de vie, et sur notre solidarité avec lui.
« Ne pèche plus !», lance encore Jésus à la femme, comme pour la rappeler à sa responsabilité de femme désormais libre, et à la façon dont elle va, maintenant, recevoir et vivre l’amour reçu.
Comme les scribes et les pharisiens, il nous faut passer, comme dit saint Paul, de l’obéissance à la loi, à la foi et à la confiance au Christ. Lui seul peut ouvrir nos tombeaux. Lui seul est La Résurrection et la Vie. Lui seul nous ouvre les yeux au point de voir ce qu’Isaïe discernait déjà : « Je fais un monde nouveau, dit Dieu. Il germe déjà. Ne le voyez-vous pas ? »
P. Benoît Lecomte
Evangile de Jésus-Christ selon saint Jean 8,1-11.
Jésus s'était rendu au mont des Oliviers ;
de bon matin, il retourna au Temple. Comme tout le peuple venait à lui, il s'assit et se mit à enseigner.
Les scribes et les pharisiens lui amènent une femme qu'on avait surprise en train de commettre l'adultère. Ils la font avancer,
et disent à Jésus : « Maître, cette femme a été prise en flagrant délit d'adultère.
Or, dans la Loi, Moïse nous a ordonné de lapider ces femmes-là. Et toi, qu'en dis-tu ? »
Ils parlaient ainsi pour le mettre à l'épreuve, afin de pouvoir l'accuser. Mais Jésus s'était baissé et, du doigt, il traçait des traits sur le sol.
Comme on persistait à l'interroger, il se redressa et leur dit : « Celui d'entre vous qui est sans péché, qu'il soit le premier à lui jeter la pierre. »
Et il se baissa de nouveau pour tracer des traits sur le sol.
Quant à eux, sur cette réponse, ils s'en allaient l'un après l'autre, en commençant par les plus âgés. Jésus resta seul avec la femme en face de lui.
Il se redressa et lui demanda : « Femme, où sont-il donc ? Alors, personne ne t'a condamnée ? »
Elle répondit : « Personne, Seigneur. » Et Jésus lui dit : « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus. »