Il y a 15 jours, nous fêtions Noël. Et pour nous dire l’importance de la présence des uns pour les autres, pour donner des signes d’attention, de fraternité, d’amour mutuel, nous nous sommes offerts des cadeaux.
Chacun de ces cadeaux offerts ont été réfléchis, parfois longuement. On ne sait pas toujours quoi offrir, parce qu’on va cherche le cadeau qui ressemble à la personne à qui on va l’offrir. A quelqu’un qui aime la musique, ou à un sportif, ou à un littéraire, à un enfant ou à un adulte, on n’offrira pas la même chose. Le cadeau est fait en fonction de celui qui le reçoit. Les cadeaux révèlent, en quelque sorte, la personne qui les reçoit.
La tradition évangélique de la fête de l’épiphanie nous rapporte que des mages, venus d’Orient, viennent se prosterner devant Jésus nouveau-né et lui apportent des présents. De l’or, de l’encens et de la myrrhe. Ces présents révèlent à eux seuls tout le mystère de celui qui vient de naître. Ils sont un condensé de christologie, une réduction à l’essentiel de tout le mystère du Christ.
Les mages offrent de la myrrhe, cette essence dont on embaumait les morts, parce que Jésus est un homme, et donc mortel. Dans l’offrande de la myrrhe est déjà dévoilée le mystère de la croix : celui qui vient de naître va réellement mourir, il est réellement un homme. A tous ceux qui, plus tard, ne voudront voir en Jésus qu’une image de l’homme, à tous ceux qui refuseront la pleine humanité de Jésus, les mages répondent en offrant la myrrhe.
Ils offrent aussi l’encens, le parfum réservé au culte à Dieu, le parfum qui monte vers Dieu avec notre prière, le parfum utilisé pour adorer le Créateur. En offrant l’encens, les mages révèlent ce que l’ange avait déjà annoncé à Marie : cet enfant est bien le Fils de Dieu, il est l’incarnation du Dieu tout puissant, il est Dieu. Dieu fait homme qui, se faisant homme, n’a rien perdu de sa divinité.
Enfin, les mages offrent à Jésus de l’or, parce que Jésus est roi. « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? » demandent-ils à Hérode en cherchant leur route. Les mages reconnaissent en Jésus un roi d’une royauté qui dépasse la royauté d’Hérode, une royauté qui dépasse même le peuple juif puisque eux, mages venus d’Orient, païens ne partageant pas la foi juive, viennent à Bethléem se prosterner devant lui.
En offrant leurs présents, les mages disent tout de Jésus : cet enfant est pleinement homme, pleinement Dieu, roi de tous les peuples.
Roi de tous les peuples, parce qu’il traine dans la fête de l’épiphanie comme un air de Pentecôte. On pourrait dire, je crois, que l’Epiphanie est à Noël ce que la Pentecôte est à Pâques : l’ouverture du salut de Dieu à tous les hommes, la révélation de l’universalité du salut, la compréhension de la volonté et de la promesse inouïe de Dieu. Son amour n’est pas réservé à quelques-uns ni même à un peuple élu, mais à tous. Et cela, qui d’autre que des païens pouvaient nous le révéler avec autant de simplicité et de force ?
Le fête de l’épiphanie vient donc nous interroger dans notre foi et dans la façon que nous avons de vivre l’Eglise.
Dans notre foi : croyons-nous vraiment, comme les mages nous le révèlent par l’offrande de leurs présents, que Jésus est vraiment homme, vraiment Dieu, vraiment roi de l’univers ?
Et dans notre façon de vivre l’Eglise : faisons-nous vraiment l’expérience d’être ouverts au mystère de Dieu, à la volonté de Dieu, à l’identité même de Dieu par ceux-là même qui ne sont pas chrétiens ?
Combien de fois nous regrettons que ceux qui viennent frapper à la porte de l’Eglise pour demander un baptême, la célébration d’un mariage, l’accompagnement lors d’un deuil ou que sais-je encore ne connaissent pas la Bible, n’ont pas les mots de la foi, ne savent pas le B.A.BA… Combien de fois nous pleurons sur ces générations (jeunes, mais parfois moins jeunes !) qui n’ont apparemment pas reçu le trésor de la foi que nous essayons de porter comme dans des vases d’argile… Mais savons-nous voir en toutes ces personnes, à travers toutes ces rencontres, comme des mages attirés par l’enfant de la crèche, le Dieu crucifié, l’homme ressuscité ? Autant de mages qui nous redisent combien l’amour et la prévenance de Dieu sont plus larges et plus grands que tous nos calculs religieux et toutes nos organisations pastorales, si belles et importantes soient-elles ! Autant de mages qui manifestent à nos yeux que vraiment, comme le clame Saint Paul, « les païens sont associés au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ, par l’annonce de l’Evangile. » Tel est le « mystère du Christ», dit encore saint Paul, ce mystère en grec, qui sera traduit en latin par sacramentum et qui donnera notre mot sacrement. Tel est le mystère du Christ, le sacrement du Christ, c’est-à-dire aussi l’Eglise, l’Eglise étant, comme le rappelle le concile, « dans le Christ, en quelque sorte, le sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain. »
Saurons-nous écouter les mages d’antan, les païens d’hier, les « éloignés de l’Eglise » d’aujourd’hui nous révéler, à travers leurs gestes, leurs langages, leurs demandes, la grandeur du mystère de Dieu manifesté en Jésus Christ ? Peut-être est-elle là, l’audace des orientations diocésaines promulguées il y a quelques mois, et que nous avons encore à recevoir.
Et qu’à la mesure où chacun avance vers l’enfant de la crèche nous puissions être, les uns pour les autres, comme des étoiles indiquant, au rythme de la marche des hommes, Celui que nous cherchons tous et qui se livre à nous.
Alors, l’ayant trouvé ensemble, nous pourrons, comme les mages de l’Evangile, « repartir par un autre chemin » : chemin de liberté, chemin de paix, de justice et de joie. Chemin d’humanité éclairée et renouvelée par cette rencontre avec Lui.
Amen.
P. Benoît Lecomte
Livre d'Isaïe 60,1-6.
Debout, Jérusalem ! Resplendis : elle est venue, ta lumière, et la gloire du Seigneur s'est levée sur toi.
Regarde : l'obscurité recouvre la terre, les ténèbres couvrent les peuples ; mais sur toi se lève le Seigneur, et sa gloire brille sur toi.
Les nations marcheront vers ta lumière, et les rois, vers la clarté de ton aurore.
Lève les yeux, regarde autour de toi : tous, ils se rassemblent, ils arrivent ; tes fils reviennent de loin, et tes filles sont portées sur les bras.
Alors tu verras, tu seras radieuse, ton cœur frémira et se dilatera. Les trésors d'au-delà des mers afflueront vers toi avec les richesses des nations.
Des foules de chameaux t'envahiront, des dromadaires de Madiane et d'Épha. Tous les gens de Saba viendront, apportant l'or et l'encens et proclamant les louanges du Seigneur.
Psaume 72(71),2.7-8.10-11.12-13.
Qu'il gouverne ton peuple avec justice,
qu'il fasse droit aux malheureux !
En ces jours-là, fleurira la justice,
grande paix jusqu'à la fin des lunes !
Qu'il domine de la mer à la mer,
et du Fleuve jusqu'au bout de la terre !
Les rois de Tarsis et des Iles apporteront des présents. Les rois de Saba et de Seba feront leur offrande.
Tous les rois se prosterneront devant lui, tous les pays le serviront.
Il délivrera le pauvre qui appelle
et le malheureux sans recours.
Il aura souci du faible et du pauvre,
du pauvre dont il sauve la vie.
Lettre de saint Paul Apôtre aux Éphésiens 3,2-3a.5-6.
Frères, vous avez appris en quoi consiste la grâce que Dieu m’a donnée pour vous :
par révélation, il m'a fait connaître le mystère du Christ, dont je vous ai déjà parlé dans ma lettre.
Ce mystère, il ne l'avait pas fait connaître aux hommes des générations passées, comme il l'a révélé maintenant par l'Esprit à ses saints Apôtres et à ses prophètes.
Ce mystère, c'est que les païens sont associés au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l'annonce de l'Évangile.
Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 2,1-12.
Jésus était né à Bethléem en Judée, au temps du roi Hérode le Grand. Or, voici que des mages venus d'Orient arrivèrent à Jérusalem
et demandèrent : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu se lever son étoile et nous sommes venus nous prosterner devant lui. »
En apprenant cela, le roi Hérode fut pris d'inquiétude, et tout Jérusalem avec lui.
Il réunit tous les chefs des prêtres et tous les scribes d'Israël, pour leur demander en quel lieu devait naître le Messie. Ils lui répondirent :
« A Bethléem en Judée, car voici ce qui est écrit par le prophète :
Et toi, Bethléem en Judée, tu n'es certes pas le dernier parmi les chefs-lieux de Judée ; car de toi sortira un chef, qui sera le berger d'Israël mon peuple. »
Alors Hérode convoqua les mages en secret pour leur faire préciser à quelle date l'étoile était apparue ;
puis il les envoya à Bethléem, en leur disant : « Allez vous renseigner avec précision sur l'enfant. Et quand vous l'aurez trouvé, avertissez-moi pour que j'aille, moi aussi, me prosterner devant lui. »
Sur ces paroles du roi, ils partirent. Et voilà que l'étoile qu'ils avaient vue se lever les précédait ; elle vint s'arrêter au-dessus du lieu où se trouvait l'enfant.
Quand ils virent l'étoile, ils éprouvèrent une très grande joie.
En entrant dans la maison, ils virent l'enfant avec Marie sa mère ; et, tombant à genoux, ils se prosternèrent devant lui. Ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent leurs présents : de l'or, de l'encens et de la myrrhe.
Mais ensuite, avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.